par Blandine Henault, Jean-Michel Belot et Gwénaëlle Barzic

L'entrepreneur milliardaire des télécoms Patrick Drahi a dévoilé vendredi une offre de rachat de 2,5 milliards d'euros sur son groupe Altice Europe, propriétaire de SFR et de BFM TV, avec le projet de le retirer de la cote après des années de montagne russe.

L'opération doit permettre à Altice Europe de se focaliser sur sa stratégie à long terme, sans être pénalisé par la volatilité des marchés, rendus fébriles par le niveau élevé de son endettement (près de 29 milliards d'euros).

Patrick Drahi, qui entend tirer partie d'une période de taux particulièrement bas, propose de racheter le solde du capital d'Altice Europe en numéraire à un prix de 4,11 euros par action de classe A et B, ce qui représente un montant de 2,5 milliards et une prime de 23,8% par rapport au cours de clôture de jeudi.

L'entrepreneur, qui a fondé Altice en 2002 et détient près de 50% des actions ordinaires d'Altice Europe, entend retirer la société européenne de la cote à l'issue de cette opération, qui la valorise à 4,9 milliards sur la base de 100% du capital.

Le cours d'Altice Europe s'est logiquement aligné sur l'offre en progressant vendredi de 25% à la Bourse d'Amsterdam. Avant l'annonce de l'offre, elle affichait un recul de 42% depuis le début de l'année, à comparer à un recul de 27% pour le numéro un français Orange et une baisse de 17% pour l'indice sectoriel européen des télécoms.

Altice Europe avait pourtant signé des résultats supérieurs aux attentes à la fin du premier semestre, en étant parvenu à contenir l'impact du coronavirus sur ses ventes et ses profits.

"L'equity story est frustrante aujourd'hui : tout le monde est concentré sur la dette et techniquement il n'y a pas grand-chose à faire", explique une source au fait de l'opération.

Le groupe, qui a précisé que cette opération n'aurait aucun impact négatif sur les effectifs, s'est engagé depuis 2017 dans une série de cessions d'actifs et de réductions de coûts, qui lui ont permis d'alléger le fardeau de sa dette, alors que les opérateurs télécoms doivent investir massivement dans la 5G.

"Quand on regarde la variation en Bourse des deux actifs de Patrick Drahi, Altice US a déjà effacé les pertes liées à la crise du COVID-19 tandis que le cours d'Altice Europe a été divisé par deux et n'a que peu remonté depuis", observe Alexandre Iatrides, analyste chez Oddo BHF.

UNE OPÉRATION OPPORTUNE DANS UN CONTEXTE DE TAUX BAS

"Il y a une sous-valorisation manifeste des acteurs télécoms en Europe car nous sommes à un pic de Capex. Mais pour un investisseur avec un horizon d'investissement de 4-5 ans, comme Patrick Drahi, la problématique des Capex n'en est pas une. Et comme l'argent ne vaut rien, ce n'est pas grave pour Patrick Drahi de s'endetter encore, c'est plutôt une bonne affaire pour lui", observe-t-il.

Ainsi, selon lui, l'offre est assez bien calibrée à "5,7 fois l'Ebitda quand Orange cote à 4,1 fois l'Ebitda".

Les analystes de Credit Suisse sont un peu plus réservés, estimant que l'offre présente un multiple en terme de valeur d'entreprise/Ebitda inférieur à la moyenne du secteur, soulignant également que le prix de l'offre est en dessous de son propre objectif de cours de 4,20 euros par action.

A titre de comparaison, l'opérateur espagnol Masmovil est en passe d'être sorti de la cote par KKR, Cinven et Providence dans le cadre d'une transaction représentant un multiple de 8 fois l'Ebitda.

Ces opérations de sortie de la cote reflètent le marasme boursier du secteur européen des télécoms qui affiche une chute de 41% sur les cinq dernières années.

Lazard est le conseil financier d'Altice Europe et Brauw Blackstone Westbroek N.V. son conseil juridique. LionTree officie comme conseil financier indépendant, Allen & Overy LLP conseille les membres non-exécutifs du conseil. Luther, NautaDutilh et Ropes & Gray International sont les conseils juridiques de Patrick Drahi qui a choisi pour banque BNP Paribas.

(Edité par Jean-Michel Bélot)