SAN FRANCISCO/TOKYO/NEW DELHI (Reuters) - Apple, visé par plusieurs enquêtes concernant sa boutique d'applications pour smartphones, a décidé mercredi soir d'assouplir encore ses règles, en autorisant notamment certains fournisseurs de contenus comme Netflix à proposer des liens vers leurs sites internet pour souscrire un abonnement payant en dehors de l'App Store.

Cette concession a été initialement négociée dans le cadre d'un accord avec les autorités japonaises, qui ont accepté de clore une enquête de cinq ans sur Apple, portant essentiellement sur les applications vidéo et musicales, en échange d'un allègement des règles du groupe à la pomme sur ce segment.

Le fabricant de l'iPhone reste cependant toujours sous la menace d'enquêtes et de poursuites en justice à travers le monde, concernant ses règles dans d'autres domaines comme les jeux vidéo, avec en particulier un procès intenté par Epic Games, l'éditeur de "Fortnite", aux Etats-Unis.

Un responsable de l'autorité japonaise de la concurrence a souligné que l'enquête contre Apple ne portait pas sur les jeux vidéo et qu'une investigation dans ce secteur n'était pas exclue.

En Inde, Apple est accusé d'abus de position dominante sur le marché des applications après une plainte déposée par l'ONG "Together We Fight Society", qui reproche au groupe américain de forcer les développeurs à utiliser son système de paiement intégré à l'App Store, selon une source proche du dossier et des documents consultés par Reuters.

La plainte va être examinée par la Competition Commission of India dans les prochaines semaines. Sollicités, Apple et l'autorité indienne n'ont pas répondu à une demande de commentaire.

Dans le cadre du nouvel assouplissement des règles de l'App Store, les applications dites de "lecture de contenus" comme celles sur les livres électroniques, les vidéos ou la musique sont désormais autorisées à proposer un lien permettant aux utilisateurs de souscrire un abonnement payant en dehors de la boutique d'Apple.

CONCESSION JUGÉE INSUFFISANTE

Certains fournisseurs de contenus comme Spotify, qui a déposé une plainte pour abus de position dominante contre Apple auprès de la Commission européenne, ont toutefois jugé cette concession encore insuffisante. Le géant suédois de "streaming" musical estime que la proposition d'Apple ne résout pas tous les problèmes.

Tim Sweeney, le directeur d'Epic Games, a pour sa part estimé sur Twitter que le groupe à la pomme cherchait avec ce changement de règles à diviser les développeurs pour mieux régner.

"Apple devrait ouvrir iOS (le système d'exploitation mobile du groupe) au niveau du matériel, des magasins, des paiements et des services, afin que chacun puisse rivaliser individuellement selon ses mérites", a-t-il ajouté.

L'App Store est au coeur de la division services d'Apple, qui dégage un chiffre d'affaires annuel de 53,8 milliards de dollars et permet au groupe de percevoir des commissions allant de 15% à 30% sur la vente d'applications et d'abonnements dans le cadre d'achats intégrés.

Au Japon, Apple détient 46,5% du marché des smartphones, avec plus de 30 millions d'exemplaires vendus chaque année.

La concession proposée par Apple au Japon intervient après un accord conclu la semaine dernière aux Etats-Unis, permettant désormais d'informer par courriel les utilisateurs de l'App Store sur l'existence d'autres moyens de paiement à la suite d'un recours collectif déposé par un groupe de développeurs.

(Reportage Stephen Nellis à San Francisco, Tim Kelly à Tokyo et Aditya Kalra à New Delhi; version française Claude Chendjou, édité par Bertrand Boucey)