Pékin va appliquer de nouveaux droits de douane de 25% à 106 catégories de produits américains tels que le soja, le maïs, les voitures, les substances chimiques et certains types d'avions, a annoncé mercredi le ministère des Finances, quelques heures après l'annonce de mesures similaires de la part des Etats-Unis.

Les produits concernés représentaient 50 milliards de dollars d'importations en 2017, a précisé le ministère chinois du Commerce. La date d'entrée en vigueur de ces nouveaux droits de douane dépendra du calendrier des mesures américaines.

Le bureau du représentant américain au commerce (USTR) avait auparavant annoncé l'instauration de droits de douane pouvant atteindre 25% pour 1.300 produits technologiques chinois dans le but d'obtenir une modification des pratiques de la Chine en matière de propriété intellectuelle. Ils représentent également une valeur de 50 milliards de dollars environ, selon les estimations pour 2018.

La riposte chinoise est à la hauteur des menaces de Pékin, qui avait promis des mesures équivalentes à celles des Etats-Unis, mais elle a été plus rapide que les observateurs ne s'y attendaient, ce qui a surpris les marchés financiers.

Les indices boursiers européens et les contrats à terme sur les indices de Wall Street ont creusé leurs pertes après ces annonces, qui ont également fait reculer le dollar face à un panier de devises de référence ainsi que le rendement des emprunts d'Etat américains à 10 ans.

En fin de séance, toutefois, les indices boursiers avaient effacé l'intégralité de leurs pertes et terminé dans le vert, les investisseurs étant rassuré par l'annonce d

Geng Shuang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a assuré que la Chine tenait à régler la crise par la négociation. "Mais les meilleures opportunités pour résoudre les problèmes par le biais du dialogue et des négociations ont été manquées à plusieurs reprises par la partie américaine", a-t-il déploré.

Selon l'ambassade de Chine à Washington, Pékin souhaite régler ces différends via l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les Etats-Unis ont toutefois estimé que les griefs exprimés par la Chine auprès de l'OMC étaient sans fondement et affirmé que les mesures de représailles annoncées par Pékin n'avaient aucune justification.

La porte-parole de la Maison blanche, Sarah Sanders, a de son côté déclaré à la presse que les Etats-Unis étaient persuadés que la Chine changerait de comportement si bien que les mesures annoncées par Washington pourraient ne pas être appliquées.

"Il faudra plusieurs mois avant que les droits de douanes prennent effet de part et d'autre et soient mises en place et nous espérons que la Chine fera le bon choix", a-t-elle déclaré à la presse.

"Je pense toutefois que s'il n'y a aucun changement de comportement de la part des chinois et qu'ils ne mettent pas fin à leurs pratiques injustes, alors nous irons de l'avant", a-t-elle ajouté.

LE DOLLAR EN RECUL

L'initiative de l'USTR faisait déjà suite à l'annonce, dimanche soir par Pékin, de l'instauration de droits de douane pouvant atteindre 25% sur 128 produits américains, dont la viande de porc et le vin, représentant une valeur de trois milliards de dollars. Cette action chinoise était elle-même une riposte à la décision des Etats-Unis de taxer les importations d'aluminium et d'acier.

La National Association of Manufacturers aux Etats-Unis a réagi prudemment à la liste de l'USTR. Les droits de douane sont une des réponses possibles, dit-elle, mais ils vont se traduire par des coûts supplémentaires pour les industriels américains qui utilisent les produits chinois, ce qui augmentera leur prix de vente.

Un grand nombre de produits assemblés par des sociétés américaines en Chine sont exclus de la liste, comme les téléphones d'Apple ou les ordinateurs portables de Dell. Les chaussures et les vêtements ne figurent pas sur la liste de l'USTR. Elle comprend en revanche les téléviseurs à écrans plats et les véhicules à moteur de trois litres maximum, électriques ou à essence.

Une analyse de Reuters comparant les produits visés et les données officielles sur les importations montre que les Etats-Unis ont importé de Chine pour 3,9 milliards de dollars de téléviseurs à écrans plats en 2017 et pour 1,4 milliard de véhicules.

Plus de 200 produits figurant sur la liste n'ont pas été importés par les Etats-Unis l'an dernier, notamment les gros avions et les satellites de communication. Certains autres, comme l'artillerie, ne seront sans doute jamais importés.

ALGORITHME

La publication de cette liste ouvre une période de consultation publique qui devrait durer environ deux mois. Après quoi l'USTR prévoit d'annoncer sa décision définitive. Une audience publique sur les droits de douane est prévue le 15 mai.

L'excédent commercial chinois avec les Etats-Unis s'est élevé à 375 milliards de dollars l'an dernier. Donald Trump a dit vouloir réduire ce montant de 100 milliards de dollars.

La liste a été établie via un algorithme afin de choisir les produits qui affecteront le plus les exportateurs chinois, tout en limitant les dégâts pour les consommateurs américains.

La liste a subi un premier nettoyage, indique un responsable de l'USTR ayant requis l'anonymat. Les produits considérés comme trop importants pour l'économie américaine en ont été retirés.

"Les produits restants ont été classés selon l'impact probable sur le consommateur américain, à partir des données commerciales disponibles avec des pays alternatifs d'apprivoisement pour chaque produit", indique-t-on.

Les droits de douane annoncés mardi, a indiqué l'USTR, sont instaurés "en réponse à la politique de la Chine qui contraint les entreprises américaines à transférer leur technologie et leur propriété intellectuelle aux entreprises chinoises".

L'USTR fustige aussi "l'intention déclarée de la Chine de prendre le leadership économique dans les technologies de pointe". La Chine dément exiger des transferts de technologie.

La liste de l'USTR cible en grande partie les produits technologiques de pointe qui bénéficient du programme "Made in China 2025" mis en place par le gouvernement chinois.

Pékin veut par ce biais remplacer ses importations de technologies avancées par des produits nationaux et acquérir une position dominante dans les industries du futur.

"Made in China 2025" cible dix secteurs déclarés stratégiques par Pékin : informatique, robotique, aéronefs, véhicules à énergie nouvelle, produits pharmaceutiques, matériel électrique, matériaux avancés, équipements agricoles, construction navale et équipement ferroviaire.

Nombre de produits de ces secteurs apparaissent sur la liste de l'USTR, comme les antibiotiques et les robots industriels.

(Avec Jason Lange, Ginger Gibson, Steve Holland et David à Washington, Michael Martina, Cheng Fang, Ryan Woo, Ben Blanchard, Tony Munroe, Cate Cadell à Pékin et Engen Tham à Shanghai; Danielle Rouquié et Jean-Philippe Lefief pour le service français)

par Michael Martina et David Lawder