Le groupe sidérurgiste a annoncé il y a deux semaines qu'il résiliait son offre de reprise de la plus grande aciérie d'Europe, mettant en danger l'avenir industriel d'une des régions les plus pauvres du Mezzogiorno.

ArcelorMittal estime ne plus bénéficier d'une protection juridique contre d'éventuelles poursuites pénales liées à la pollution du site, qui aurait entraîné des centaines de cancers ces dernières années.

Sa décision a provoqué la colère du gouvernement italien, persuadé que l'argument de la protection juridique n'est qu'un prétexte employé par Arcelor pour abandonner la reprise de l'usine, qui perd environ 2 millions d'euros par jour.

Le site Ilva, que l'Etat italien a repris en 2015, est passé sous le contrôle d'ArcelorMittal en 2018. Basée à Tarente, dans les Pouilles, l'aciérie emploie 8.200 personnes directement, et plusieurs milliers d'autres en sous-traitance, dans une région fortement frappée par le chômage.

ArcelorMittal s'est engagé à verser 1,8 milliards d'euros pour Ilva. Dans le cadre de son offre de reprise, le groupe coté à Amsterdam a aussi promis de consacrer 1,2 milliard d'euros sur la période 2018-2023 pour réparer les dommages environnementaux imputés à l'aciérie et d'injecter 1,3 milliard pour améliorer la production du site, avec l'objectif de la faire passer de 6 à 8 millions de tonnes par an.

En déplacement le 8 novembre à Tarente, le président du Conseil, Giuseppe Conte, a pu mesurer la colère des salariés, les syndicats accusant l'exécutif d'avoir fourni à ArcelorMittal l'occasion de retirer son offre en supprimant la protection juridique qui avait été apportée aux administrateurs de l'aciérie après sa reprise par l'Etat en 2015.

Conte s'est engagé à réactiver cette immunité si l'initiative conduit ArcelorMittal à revenir sur sa décision.

Mais sa coalition est partagée: le Mouvement 5 Etoiles, qui réclamait la fermeture du site lors de la campagne électorale de 2018, estime qu'on ne peut pas priver les populations concernées de la possibilité d'un recours en justice.

Plusieurs centaines de manifestants ont accueilli Conte lors de sa venue à Tarente, l'exhortant à fermer le site en raison de son impact sur l'environnement et la santé publique.

D'après des experts, les normes environnementales ont été ignorées pendant des décennies, exposant les habitants de Tarente à des taux anormalement élevés de produits toxiques. Selon une enquête menée par un collège d'experts médicaux, plus de 3.000 décès sont directement liés à ces polluants sur la période 2005-2012.

(Alfredo Faieta avec Crispian Balmer à Rome; Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)