Les investisseurs attendent avec attention les résultats du premier trimestre d’ASML, prévus ce mercredi, dans un contexte marqué par l'incertitude entourant les tarifs douaniers que le président américain Donald Trump envisage d’imposer au secteur des semi-conducteurs. Dimanche, Trump a épargné les fabricants d’équipements pour semi-conducteurs, comme ASML, de la taxe de 10% dite “de base”, alors qu’il prépare une série de droits de douane visant directement les puces électroniques.
Selon les estimations compilées par le cabinet Visible Alpha, les commandes nettes, indicateur clé dans ce secteur, devraient atteindre 4,89 milliards d’euros (5,56 milliards de dollars) au premier trimestre. L’an dernier, ASML a tiré 17% de son chiffre d’affaires du marché américain, une part appelée à croître à mesure que Trump encourage le rapatriement des investissements dans la fabrication de puces aux États-Unis. Le principal client d’ASML, le taïwanais TSMC, prévoit d’y investir plus de 100 milliards de dollars dans cinq nouvelles usines.
“L’attention portera sur les conséquences potentielles des tarifs”, souligne l’analyste d’ING, Marc Hesselink, dans une note de recherche.
Vers une conquête américaine
D’autres observateurs mettent toutefois en garde : implanter ou agrandir des usines aux États-Unis revient plus cher que dans d’autres régions. “Cela concerne principalement Intel, les usines de TSMC en Arizona, ainsi que les sites d'autres acteurs aux États-Unis”, précise Kevin Wang, analyste chez Mizuho.
ASML fabrique aux Pays-Bas les machines de lithographie EUV les plus avancées au monde, utilisées pour graver les puces, dont le prix peut atteindre 350 millions de dollars l’unité. “Un fabricant de puces ne renoncera pas à la meilleure technologie à cause d’un tarif. Pour les machines EUV d’ASML, il n’existe parfois tout simplement pas d’alternative”, analyse Javier Correonero, de Morningstar.
Le constat est similaire pour William Beavington, analyste chez Jefferies, qui explique : “Nous nous attendons à ce que les revenus d' ASML soient supérieurs au consensus en 2025, mais compte tenu de l'attention croissante portée à 2026, nous ne pensons pas que cela aurait beaucoup d'impact sur le cours de l'action.”
L’entreprise néerlandaise assemble aussi des composants critiques de ses machines, comme la source lumineuse EUV, aux États-Unis. Ce positionnement pourrait l’aider à mieux encaisser l’impact des droits de douane, estime Thibault Leneeuw, analyste chez KBC Securities. Le marché américain prend d’ailleurs de l’ampleur pour ASML, alors que la demande chinoise ralentit. En 2024, la Chine représentait 42% des commandes, une part que l’entreprise prévoit de voir chuter à près de 20% d’ici la fin de l’année.
Néanmoins, les analystes de Mizuho et Jefferies s’attendent à ce que les fabricants chinois de puces maintiennent un niveau de commandes relativement élevé au premier trimestre. Des groupes comme SMIC continuent en effet de se constituer des stocks de machines DUV plus anciennes d’ASML, par crainte de futures restrictions à l’exportation.