"Lorsque nous aurons rapproché ces sociétés, nous continuerons d'exploiter notre gamme et AZ la sienne", a déclaré le directeur général Ian Read mercredi, à l'occasion d'une seconde audition parlementaire.

"Il n'y a pas la moindre parcelle de vérité dans les propos voulant que certains produits d'importance vitale ne seraient dispensés aux malades qu'avec retard; au contraire, nous accélèrerions les choses".

Le laboratoire britannique AstraZeneca a dit mardi que le projet de Pfizer, outre de le sous-évaluer, risquait de perturber sa recherche et de retarder l'arrivée sur le marché de médicaments vitaux.

"Que dirons-nous à la personne dont le père vient de mourir d'un cancer du poumon parce qu'un de nos médicaments a été retardé? Qu'il a été retardé parce que nos deux sociétés voulaient payer moins d'impôts et réduire leur coûts?", a dit le directeur général Pascal Soriot mardi.

Lors de cette seconde audition qui portait plus particulièrement sur les aspects scientifiques de l'opération envisagée, Ian Read s'est vu prié de prolonger de cinq ans à 10 ans voire plus son engagement à ne pas toucher aux emplois de recherche-développement britanniques.

"Je souhaiterais une période plus longue que cela (cinq ans)", a déclaré le secrétaire d'Etat aux sciences David Willetts à une commission parlementaire.

Mais Ian Read s'en est tenu à cinq ans, estimant ce délai suffisant pour choisir les médicaments les plus prometteurs et les plus susceptibles d'être homologués.

PLUS SI AFFINITÉS

Pfizer a changé de stratégie pour sa recherche-développement (R&D) pour éviter des recherches longues et infructueuses en introduisant dès la phase de concept des considérations commerciales et de développement dans l'évaluation des médicaments expérimentaux, a-t-il expliqué.

"Pour moi, pour la productivité, il est très important de faire assumer aux chercheurs leurs responsabilités, de leur dire: 'je vous finance pendant cinq ans et je ferai le point par périodes de cinq ans'", a déclaré le patron du premier groupe pharmaceutique mondial.

Pfizer propose actuellement 106 milliards de dollars (77,16 milliards d'euros) pour ce qui représenterait la plus importante acquisition d'une entreprise britannique par un concurrent étranger. Il a laissé entendre qu'il pourrait offrir plus si AstraZeneca était disposé à discuter.

Mais les parlementaires britanniques expriment les plus vives préoccupations quant à l'impact d'une OPA sur la recherche scientifique locale. Pfizer s'est signalé par le passé par des coupes claires dans les effectifs après ses OPA sur des laboratoires tels que Wyeth, Warner-Lambert et Pharmacia.

Read a dit mercredi qu'il y aurait sans doute moins de chercheurs dans l'entité qui serait issue de la fusion que dans les deux sociétés combinées mais il n'a pas été plus précis.

"IL FAUT AU MOINS 10 ANS"

Le Prix Nobel Paul Nurse, président de la Royal Society, soit l'académie des sciences britannique, a écrit à Andrew Miller, le président de la commission parlementaire des sciences, pour s'inquiéter des promesses vagues et sans réelle portée du pharmacien américain.

L'engagement quinquennal pris par Pfizer prévoit de terminer un nouveau centre de recherches d'AstreZeneca à Cambridge, de conserver le site de Macclesfield, dans le nord-ouest de l'Angleterre, et de localiser 20% de ses effectifs de recherche en Grande-Bretagne si son OPA aboutit.

Mais il a ajouté que ces objectifs pourraient changer si les circonstances se modifiaient "sensiblement". Ian Read a ajouté qu'il ne pouvait pas s'engager à maintenir un budget R&D déterminé en Grande-Bretagne.

Pour Nurse, s'engager pour cinq ans seulement est insuffisant. "Il faut au moins 10 ans. La science, ça demande du temps", a-t-il écrit.

AstraZeneca a rejeté à plusieurs reprises les propositions de Pfizer, affirmant qu'il pouvait prétendre à un avenir brillant en restant indépendant étant donné les médicaments prometteurs en voie de conception.

Bon nombre d'analystes pensent que Pfizer devra non seulement augmenter son prix, le portant de 50 à 55 livres environ par action, mais aussi la proportion de cash de son offre, actuellement de 32%.

Pfizer n'a pas totalement les coudées franches pour augmenter le part du numéraire car pour recueillir les avantages fiscaux d'une domiciliation en Grande-Bretagne, il doit faire en sorte que 20% au moins de l'entité issue de la fusion soit propriété britannique.

Suivant le droit britannique, Pfizer a jusqu'au 26 mai pour formuler une offre en bonne et due forme ou se démettre.

Les commissions parlementaires n'ont aucun pouvoir de bloquer des transactions entre entreprises privées mais elles peuvent soumettre les parties prenantes au feu roulant de leurs questions, comme des banques, des énergéticiens et News Corp, le groupe de Rupert Murdoch, en ont déjà fait l'expérience.

Le Premier ministre David Cameron, s'adressant également au Parlement mardi, a réaffirmé pour sa part que le gouvernement recherchait "les meilleures garanties possibles" de Pfizer pour sauvegarder l'emploi, l'investissement et la recherche au Royaume-Uni.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Véronique Tison)

par Ben Hirschler et Paul Sandle

Valeurs citées dans l'article : Pfizer Inc., AstraZeneca plc