PARIS (awp/afp) - Le vaccin ne fait pas encore de miracle à l'hôpital parisien de la Croix-Saint-Simon, qui a dû rouvrir une "unité Covid" et déprogrammer une partie de sa chirurgie pour accueillir des malades toujours plus nombreux, et toujours aussi vieux.

"Il faut être clair, on n'a pas d'effet vaccination pour l'instant": dans le calme trompeur d'un couloir désert de son service de médecine interne, le Dr Olivier Lidove regarde la marée qui monte et refait ses comptes.

Face à l'afflux constant de malades du coronavirus (5.287 en Île-de-France vendredi), "l'aile dédiée" qui héberge déjà 12 patients infectés va "monter à 18 lits" dès ce samedi.

Mais pour cela, il faut reporter 30% à 50% de certaines opérations, comme les hernies inguinales ou les prothèses de hanche. "C'est indispensable", ne serait-ce que pour assurer un ratio d'une infirmière pour six patients, contre une pour dix en chirurgie.

Un scénario qui rappelle le printemps et l'automne 2020, malgré les 3,4 millions de personnes qui ont reçu au moins une dose de vaccin depuis deux mois.

Assez pour alléger un peu la pression dans les Ehpad, mais "à l'hôpital, on ne mesure pas encore les effets de la vaccination", constate également l'infectiologue Valérie Zeller.

Souvent âgés, ou souffrant de "comorbidités" comme le diabète ou l'obésité, "la plupart des patients hospitalisés pour Covid font partie des populations à risque qui sont censées être vaccinées". Dans les faits, "la grande majorité de ceux qui arrivent chez nous ne le sont pas".

Au risque parfois de contracter le virus après leur admission. Comme dans l'unité de gériatrie aiguë du Dr Elise Cotto, ramenée de 16 à 11 lits après suppression des chambres doubles "pour sécuriser des patients qui ont du mal à tenir le port du masque".

Une précaution qui n'a pas empêché plusieurs contaminations, liées après vérification à "une baisse des mesures barrière de l'entourage". Ce qui l'a conduite "à interdire de nouveau les visites des familles depuis une semaine".

Entre deux feux

Pourtant, c'est bien sur les soignants que le débat se focalise depuis quelques jours. "Votre vaccination constitue une priorité majeure pour le gouvernement", leur a écrit Olivier Véran dans une lettre vendredi.

Dans les hôpitaux et les cliniques, 30% des personnels sont déjà passés à la piqûre, mais pour le ministre de la Santé, "cela ne suffit pas" car "il en va de notre sécurité collective".

D'autres vont plus loin et souhaitent une obligation vaccinale pour des "héros en blouse blanche" soupçonnés de propager le virus.

Mais à la Croix Saint-Simon, la directrice des soins Yamina Kerrou désapprouve cette "culpabilité qu'on pourrait déverser sur un corps soignant qui serait le vecteur principal d'infection nosocomiale".

Certes, une bonne partie des infirmières et des aides-soignantes "ont été rétives" dès le départ, mais "on a de plus en plus de monde" qui se laisse convaincre, assure-t-elle, "pas du tout désespérée" d'atteindre l'objectif à grand renfort de "pédagogie".

Jeune infirmière en médecine interne, Marion Latour se dit encore "un peu perplexe". Elle pourrait se faire injecter le sérum d'AstraZeneca, mais "on ne connait pas encore les effets à long terme, j'ai un peu peur de ça", alors "pour l'instant je réfléchis, je ne sais pas encore".

La menace d'une obligation ne la réjouit pas: "S'il faut le faire, je le ferai", mais "ce ne serait pas juste", car "ça me priverait un peu de ma liberté, c'est censé être un choix que je fais en toute connaissance de cause".

Ce n'est pas Gisèle Legrip qui lui jettera la pierre. Guérie du Covid, cette patiente de 84 ans ne réclame pas de contrainte pour celles qui l'ont aidée à vaincre la maladie: "Les obliger, peut-être pas, mais elles y ont intérêt quand même. Parce que, nom d'un pipe, elles sont constamment en relation avec les gens qui ont le Covid, et il y en a ici comme dans tous les hôpitaux. Il faudrait qu'elles fassent attention à elles."

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