Milan (awp/afp) - Le directeur général d'Atlantia, Giovanni Castellucci, a annoncé mardi sa démission alors que le groupe autoroutier italien, contrôlé majoritairement par la famille Benetton, est fragilisé par les enquêtes sur l'effondrement meurtrier du pont de Gênes en 2018.

M. Castellucci, qui dirigeait Atlantia depuis 2006 et était considéré comme l'un des hommes de confiance de la famille Benetton, fait partie des personnes visées dans l'enquête principale concernant la chute du pont, qui a fait 43 morts en août 2018.

Jusqu'à la nomination d'un nouveau directeur général, ses prérogatives sont transférées à un comité de cinq personnes, dont le président d'Atlantia, Fabio Cerchiai.

M. Castellucci partira avec une indemnité d'un peu plus de 13 millions d'euros bruts, a précisé le groupe.

L'accord prévoit également que tous les frais liés à des procédures judiciaires, civiles ou administratives, qui impliqueraient M. Castellucci, soient à la charge d'Atlantia, y compris le versement de dommages, "à moins qu'une mauvaise conduite frauduleuse émerge" des enquêtes.

Juste après le drame du pont de Gênes, M. Castellucci, âgé aujourd'hui de 60 ans, avait proposé sa démission, mais Gilberto Benetton, numéro un de la holding familiale Edizione depuis décédé, lui avait demandé de rester.

Mais, depuis la fin de la semaine dernière, le groupe est de nouveau plongé dans la tourmente.

"Fausses attestations"

Vendredi, la police financière de Gênes a en effet mené des perquisitions et a pris des mesures conservatoires contre neuf dirigeants et techniciens de filiales d'Atlantia --trois assignations à résidence et six interdictions provisoires de travailler pour les services publics-- dans le cadre d'une deuxième enquête pour de "fausses attestations" concernant des contrôles de viaducs autoroutiers avant et après l'écroulement du pont Morandi.

L'enquête a montré de "graves indices de culpabilité" concernant la rédaction de rapports avec "falsification et/ou omission" d'information, afin de "cacher aux inspecteurs du ministère des Infrastructures et des Transports des éléments sur la condition des ouvrages et leur état de conservation", a indiqué la police financière dans un communiqué.

Les sociétés concernées sont Autostrade per l'Italia (Aspi), le gestionnaire du pont Morandi, et la société d'ingénierie Spea. Toutes deux sont des filiales d'Atlantia, contrôlé de son côté à 30,25% par Edizione, la holding de la famille Benetton.

Après l'annonce de la police financière, le titre Atlantia avait perdu 8,1% vendredi à la Bourse de Milan. Et lundi, il avait de nouveau cédé 7,8% alors que les spéculations sur un départ de M. Castellucci se renforçaient.

Edizione avait indiqué samedi, dans un communiqué, qu'elle prendrait "sans hésitation et de manière immédiate toutes les initiatives nécessaires, également pour préserver sa crédibilité, sa réputation et le nom de ses actionnaires et de ses filiales".

"Sous le choc"

"Ces derniers jours, nous sommes sous le choc de ce qui ressort des communiqués de la justice, nous espérons que cela pourra être clarifié et il y aura certainement des changements", avait déclaré mardi Luciano Benetton, en marge du défilé de la marque à Milan, avant l'annonce d'Atlantia.

L'image des Benetton a été profondément affectée en Italie par le drame de Gênes, une partie de la classe politique l'accusant de négligences graves.

M. Castellucci avait déjà laissé le 30 janvier dernier son poste de directeur général d'Aspi.

Atlantia se retrouve dans une grande période d'incertitude, alors que le gouvernement entend rediscuter --d'une manière encore non précisée-- les concessions autoroutières à la suite de la tragédie de Gênes.

Le groupe a par ailleurs accepté mi-juillet de participer au sauvetage de la compagnie aérienne italienne Alitalia, aux côtés de la société des chemins de fer FS, de la compagnie américaine Delta et du ministère italien de l'Economie, mais cette opération s'annonce complexe.

Atlantia, qui gère aussi les aéroports de Rome et de Nice, avait vu son bénéfice net chuter de 30% en 2018, à 818 millions d'euros, en raison de provisions et de frais à hauteur de 509 millions liés à l'écroulement du pont.

Pour 2019, Atlantia s'attend à un résultat "globalement positif", après avoir enregistré une hausse de 46% de son bénéfice net au premier semestre grâce au rachat de l'espagnol Abertis, mais il a souligné les "risques" liés à la question du pont.

afp/rp