Paris (awp/afp) - Le groupe informatique français Atos, au plus bas de sa valorisation boursière, fait face à un tir groupé d'actionnaires minoritaires et de représentants des salariés contre le projet de cession au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.

Annoncé en août, ce projet doit être soumis au vote des actionnaires avant la fin de l'année lors d'une assemblée générale extraordinaire. Aucune date n'a été fixée.

Jugé "borné" et "sans projet stratégique", le président du conseil d'administration Bertrand Meunier, qui avait sauvé son poste lors de l'AG de juin face aux attaques d'un actionnaire minoritaire, est la cible de toutes les critiques.

Le groupe qui compte 110.000 salariés dans le monde a touché un plus bas historique mercredi à l'ouverture de la Bourse de Paris, son action s'échangeant à 6 euros, dix fois moins que début 2021. Elle valait 6,4 euros jeudi soir.

Toutefois, les actionnaires mécontents n'ont pour l'instant "pas réussi à renverser un équilibre, même s'ils ont longuement savonné la planche de M. Meunier. Et lui n'arrive pas à reprendre le dessus", observe l'analyste Frédéric Génévrier, d'OFG Recherche.

Construit à force d'acquisitions par son ex-patron Thierry Breton, Atos a essuyé de lourdes pertes depuis le départ de celui-ci pour la Commission européenne en 2019 et tente de restructurer ses activités.

Un premier projet de cession de 30% de la branche Eviden, qui regroupe les activités de cybersécurité, de supercalculateurs et de cloud, n'avait pas abouti faute d'offre ferme acceptée par le groupe.

Le projet a évolué cet été avec la signature d'un accord de principe avec Daniel Kretinsky pour une cession totale de l'activité historique d'infogérance (Tech Foundations), et une augmentation de capital pour Eviden qui entraînerait la dilution des actionnaires minoritaires.

"volte-face"

Plusieurs centaines d'entre eux, réunis au sein de l'Union des actionnaires d'Atos constructifs (Udaac), voudraient obtenir le départ de Bertrand Meunier qu'ils accusent d'avoir caché la dimension du projet de cession et de l'augmentation de capital.

L'infogérance "ne va pas disparaitre et se redresse même plus vite que prévu. Une fois restructurée, sa valeur ne sera pas du tout zéro", explique ainsi à l'AFP l'un de ses membres Christian Nicol, chargé de définir un projet alternatif.

"Le découpage proposé est complètement illogique. Le risque, c'est qu'aucune des deux entités ne soit viable à long terme", appuie Jérôme Loriot, le secrétaire du CSE central d'Atos.

Enfin, "vendre 30% d'Eviden, ce n'est pas du tout pareil que vendre 100% de Tech Foundations, c'est une volte-face pour nous", s'offusque auprès de l'AFP Catherine Berjal, cofondatrice du fonds Ciam.

"On sépare des activités qui ont tout de même des liens importants, on fait un cadeau à Daniel Kretinsky et on se fait même spolier le nom Atos", souligne-t-elle.

Reste à savoir quelles autres solutions pourraient être envisagées.

Certains proposent la cession des activités américaines, ou des activités dites "sensibles" - Atos est notamment indispensable aux simulations d'essais nucléaires et à la dissuasion française.

Plusieurs élus du personnel, ainsi que des parlementaires, ont évoqué l'entrée temporaire de l'État au capital, une piste écartée pour le moment par le gouvernement.

"Même si l'opération (actuelle) était menée à son terme, elle n'aurait aucune incidence en termes de contrôle ou de droit de blocage sur les activités sensibles", a déclaré la Première ministre Elisabeth Borne, mardi à l'Assemblée.

Pour rassurer des parlementaires inquiets d'une perte de souveraineté, des sources proches de Daniel Kretinsky ont fait savoir qu'il resterait un investisseur financier "complètement passif" dans Eviden, et qu'il était prêt à discuter avec les autorités françaises si sa participation posait des problèmes vis-à-vis des activités de défense.

Les fonds activistes tentent aussi de trouver des angles d'attaque.

La semaine dernière, le fonds Alix AM de l'homme d'affaires Hervé Vinciguerra a déposé une plainte à Paris auprès du Parquet national financier (PNF) pour corruption active et passive, qui est encore en cours d'analyse.

Ciam interroge de son côté les conditions du conseil d'administration qui a validé le projet, après que BFMTV a révélé que des administrateurs opposés au projet n'étaient pas en mesure d'être présent ce jour-là.

"Il faut que la lumière soit faite avant l'AG", affirme Mme Berjal.

afp/rp