Ajoute appel du parquet, réaction d'une ONG anticorruption

LISBONNE (awp/afp) - Plus de six ans après sa retentissante arrestation, l'ex-Premier ministre portugais José Socrates a été renvoyé en procès pour blanchiment de capitaux et falsification de documents, mais a bénéficié vendredi d'un non-lieu concernant les accusations de corruption qui pesaient contre lui.

Le jugement rendu par le Tribunal central d'instruction criminelle est un camouflet pour le ministère public qui, en octobre 2017, avait imputé 31 crimes à l'ancien dirigeant socialiste, aujourd'hui âgé de 63 ans.

Les procureurs, qui ont annoncé leur intention de faire appel, l'accusaient d'avoir touché quelque 34 millions d'euros en échange de faveurs rendues à trois groupes économiques pendant qu'il gouvernait le Portugal, entre 2005 et 2011.

Provoquant un vaste scandale politico-médiatique, l'enquête visait 189 crimes commis par 19 personnes et neuf sociétés. Mais, vendredi, le juge d'instruction Ivo Rosa n'en a retenu qu'une dizaine, et la plupart des accusés ont été blanchis.

"Tout les grands mensonges de l'accusation sont tombés à terre", a réagi M. Socrates à la sortie du tribunal, promettant de continuer à se battre pour prouver son innocence.

Lors de son procès, dont la date n'a pas été annoncée, le chef du gouvernement portugais entre 2005 et 2011 devra se défendre devant le tribunal d'avoir occulté des fonds avec la complicité de l'homme d'affaires Carlos Santos Silva, un ami d'enfance soupçonné d'agir comme son homme de paille.

"Absence de preuves"

Outre MM Socrates et Santos Silva, l'ancien banquier Ricardo Salgado devra répondre dans un procès séparé de trois crimes d'abus de confiance, tandis que l'ex-ministre Armando Vara, déjà condamné dans une autre affaire, sera jugé pour un crime de blanchiment de capitaux.

Les trois crimes de corruption passive imputés à M. Socrates avaient déjà été prescrits au moment où l'accusation a été formulée, a estimé le juge d'instruction Ivo Rosa qui, pendant plus de trois heures, a lu un résumé de son jugement au cours d'une audience retransmise en direct à la télévision.

En se prononçant tout de même sur le fond de l'affaire, le magistrat a démonté quasiment point par point les conclusions du parquet, critiquant à plusieurs reprises l'"absence de preuves", le "manque de rigueur" ou le caractère "stérile" de l'acte d'accusation.

En ce qui concerne les pots-de-vin que M. Socrates aurait reçu de Ricardo Salgado, l'ancien patron de la banque Espirito Santo, le juge a conclu que les indices recueillis par les procureurs étaient "manifestement insuffisants pour soutenir sa condamnation pour n'importe quelle forme de corruption passive".

La décision rendu vendredi "constitue une violente critique du travail de l'enquête" et "finit par mettre en cause la confiance dans la justice et ses institutions", a réagi dans un communiqué l'antenne portugaise de l'ONG anticorruption Transparency International.

Embarras

Les déboires judiciaires de M. Socrates ont toujours représenté un embarras pour l'actuel Premier ministre Antonio Costa, membre du premier de ses deux gouvernements.

Peu avant l'audience vendredi, M. Costa a déclaré qu'il n'avait "rien à ajouter" depuis que ce scandale a éclaté avec l'arrestation de M. Socrates, un soir de novembre 2014, alors que lui-même prenait les rênes du Parti socialiste en appelant ses militants à ne pas confondre les intérêts du parti avec ceux de son ancien leader.

A l'époque, l'image de M. Socrates était déjà ternie par sa gestion de la crise de la dette, qui l'a poussé en 2011 à demander une aide financière internationale pour éviter la faillite du pays et qui a permis à la droite de prendre le pouvoir jusqu'en 2015.

Placé en détention provisoire pendant neuf mois, puis assigné à résidence avant d'être libéré six semaines plus tard, l'ex-Premier ministre a toujours clamé son innocence en se disant victime d'une "campagne de dénigrement".

Il a toutefois reconnu dans des interviews qu'il empruntait régulièrement de l'argent à son ami Carlos Santos Silva, une relation qu'il sera sans doute appelé à clarifier lors de son procès.

tsc/mr