New Delhi (awp/afp) - Le Produit intérieur brut de l'Inde a subi un recul historique en avril-juin, un trimestre marqué par deux mois d'un brutal confinement national pour lutter contre la pandémie de nouveau coronavirus, qui continue de meurtrir le géant d'Asie du Sud.

Le PIB de la troisième économie asiatique a décroché de 23,9% en glissement annuel au premier trimestre de l'année budgétaire indienne, qui va du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, selon des chiffres officiels publiés lundi. Au précédent trimestre, la croissance n'était déjà que de 3,1% sur un an, ce qui constituait sa plus faible progression depuis 20 ans.

La longue période de confinement "a lessivé l'économie indienne", a résumé pour l'AFP l'économiste Ashutosh Datar.

"Nous avons commencé à publier des statistiques trimestrielles de croissance en 1996, et c'est la pire performance trimestrielle jamais enregistrée depuis", a-t-il complété.

Le gouvernement a averti que les statistiques pourraient être révisées à l'avenir, puisque la pandémie a compliqué la collecte de données fiables sur l'activité économique.

Tous les secteurs d'activité sont en recul par rapport à la même époque de l'année dernière, à l'exception de l'agriculture, selon les données du ministère des Statistiques. Les domaines les plus touchés sont ceux de la construction, de l'hôtellerie, du commerce et des transports.

"C'est la pire période pour les affaires que nous ayons vécue jusqu'ici dans nos vies", déplore Himanshu Patel, un commerçant de Bombay âgé de 43 ans.

"C'est une crise sanitaire qui s'est métamorphosée en crise économique et la seule solution est un vaccin", a déclaré à l'AFP Sameer Narang, économiste en chef à la Bank of Baroda. Seulement une fois que la majorité de la population indienne aura été vaccinée, "nous pourrons revenir à des niveaux de croissance économique d'avant le Covid", a-t-il estimé.

Économie déjà en difficulté

L'Inde est la troisième nation au monde la plus meurtrie par la pandémie de coronavirus, derrière les États-Unis et le Brésil. Le pays a recensé à ce jour 64.469 décès sur 3.621.245 cas déclarés de la maladie Covid-19, des chiffres officiels que de nombreux épidémiologistes pensent sous-estimés.

Pour freiner la propagation du virus, New Delhi avait décrété fin mars un confinement national qui a mis à l'arrêt tout le pays de 1,3 milliard d'habitants et laissé du jour au lendemain des dizaines de millions de personnes sans sources de revenus.

Les restrictions ont entraîné les fermetures des frontières entre les différents États indiens, l'exode des travailleurs migrants ayant perdu leur emploi dans les grandes villes et d'innombrables perturbations économiques.

Le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi a levé début juin le confinement pour tenter de ranimer une économie à genoux. Malgré la progression de l'épidémie dans le pays, les restrictions sanitaires sont progressivement assouplies depuis trois mois.

L'économie indienne était en difficulté avant même la pandémie, bataillant avec une croissance molle, un chômage record et une rafale de prêts non remboursés rendant les banques frileuses.

Le chef de gouvernement a annoncé en mai un plan de relance de l'économie, disant voir dans cette crise une opportunité de rendre l'Inde "autosuffisante".

"Nous avons de nombreuses raisons d'être pessimistes au sujet de la demande", tempère cependant Sujan Hajra, un économiste d'Anand Rathi à Bombay.

Face aux pertes "énormes" d'emploi et de revenu, la demande n'est pas près de repartir, avertit-il, tout en appelant à des mesures de relance par la fiscalité, à déployer "urgemment pour soutenir la reprise économique".

Depuis le début de la crise sanitaire, la Banque centrale indienne a également abaissé à deux reprises son principal taux directeur. Son taux de refinancement, celui auquel elle prête aux banques commerciales, est ainsi actuellement de 4%, un plus bas depuis des années.

afp/rp