Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon (BoJ) a gardé jeudi sa politique monétaire ultra-accommodante inchangée, une décision sans surprise, les observateurs attendant surtout la conférence de presse de son gouverneur Haruhiko Kuroda, au lendemain de la nomination du nouveau Premier ministre Yoshihide Suga.

M. Suga s'est déjà déclaré favorable à la poursuite de la politique monétaire actuelle de la BoJ, visant à stabiliser les marchés et à permettre aux entreprises japonaises d'emprunter à des taux ultra-faibles.

Nommé en 2013 par Shinzo Abe, puis reconduit en 2018 pour un second mandat courant jusqu'à 2023, M. Kuroda incarnait la "première flèche" des "Abenomics", la politique économique de M. Abe, et pourrait ainsi fort bien s'accommoder des "Suganomics" de son successeur.

La BoJ a maintenu jeudi son taux d'intérêt négatif de 0,1% sur les dépôts des banques auprès d'elle et a reconfirmé sa politique d'achats illimités d'obligations publiques japonaises pour faire en sorte que leurs rendements à dix ans demeurent autour de 0%.

L'institution monétaire a pris depuis mars une série de mesures exceptionnelles pour amortir le choc de la pandémie sur l'économie nippone, renforçant significativement ses rachats d'actifs et instaurant des mécanismes spéciaux de prêts à taux zéro, notamment à destination des petites et moyennes entreprises.

Signes de reprise

"L'économie japonaise commence à rebondir", même si elle demeure "dans une situation difficile en raison de l'impact du nouveau coronavirus" au Japon et dans le reste du monde, a commenté la BoJ dans son communiqué.

Le rythme de la reprise économique au Japon devrait ainsi rester "modéré" face à la persistance du Covid-19, a-t-elle ajouté.

L'institution monétaire a aussi rappelé son objectif de générer à terme une stabilité des prix autour de 2%, une cible d'inflation qu'elle s'est fixée depuis 2013 mais jamais atteinte jusqu'à présent.

Cette perspective s'est même éloignée encore davantage depuis la pandémie. L'inflation au Japon devrait rester "négative" pour le moment, a rappelé la BoJ.

Après avoir reculé en avril et mai, les prix à la consommation au Japon (hors produits frais) ont stagné en juin et juillet. Pour le mois d'août, dont les données seront publiées vendredi, le consensus d'économistes Bloomberg s'attend à un repli de 0,4% sur un an.

Au niveau de la croissance, l'économie japonaise est tombée en récession dès le premier trimestre 2020, la consommation des ménages ayant notamment sombré sous les coups de boutoir d'un relèvement de la TVA en octobre dernier puis de la propagation du coronavirus.

Le produit intérieur brut (PIB) nippon a en outre connu une chute historique de 7,9% au deuxième trimestre par rapport au premier.

Dans ses dernières prévisions chiffrées de croissance et d'inflation, publiées en juillet, la BoJ avait dit s'attendre à une chute du PIB comprise entre 4,5% et 5,7% sur l'exercice 2020/21 (démarré le 1er avril), avant un rebond de 3% à 4% en 2021/22.

Réformes structurelles espérées

M. Suga, qui a fait de la gestion de la crise du coronavirus et du redressement de l'économie nationale ses priorités absolues, a maintenu en poste les ministres du précédent gouvernement aux Finances et à l'Economie.

Il a aussi créé un nouveau portefeuille dédié à la transformation numérique, dans laquelle le retard problématique de l'administration japonaise a éclaté au grand jour avec la pandémie.

Les milieux économiques s'attendent à ce que les "Suganomics" gardent le cap d'une politique monétaire ultra-accommodante combinée à des relances budgétaires, le deuxième pilier des "Abenomics".

Mais ils espèrent aussi que le nouveau gouvernement s'attaque à des réformes de grande ampleur, notamment sur le marché du travail, pour augmenter le potentiel de croissance de l'économie japonaise.

Les réformes structurelles "ont été largement négligées par les Abenomics", dont elles composaient pourtant la "troisième flèche", a rappelé dans une récente note Jun Ishii, stratégiste de Mitsubishi UFJ Morgan Stanley.

"Nous pensons que les Suganomics vont accorder une plus grande attention" à ce chantier, a-t-il ajouté.

"Augmenter la productivité sera un élément clé des Suganomics", ont aussi récemment estimé des analystes de UBS dans une note.

afp/fr