Francfort (awp/afp) - Le géant allemand Bayer a annoncé remettre à plus tard d'éventuels projets de scission, jugeant plus urgent de réorganiser le conglomérat pharmaceutique et chimique qui accumule les problèmes depuis le rachat de Monsanto et a plongé dans le rouge l'an dernier.

La question d'une séparation des activités pharmaceutiques et agrochimiques de Bayer, promue depuis longtemps par les investisseurs, ne se pose "pas maintenant", a déclaré mardi son président du directoire Bill Anderson en marge de la publication des résultats annuels.

Cette réponse ne doit pas être interprétée comme "jamais" et "bien sûr nous devons garder un oeil ouvert" sur le sujet, a-t-il ajouté.

Son prédécesseur, Werner Baumann, avait dû prendre la porte après s'être opposé catégoriquement à une vaste offensive de fonds activistes pour forcer une scission du groupe afin de dégager des liquidités pour le renflouer.

Le moment n'est pas propice pour se séparer de pans de l'activité, a fait valoir le patron américain qui dirige depuis juin dernier ce fleuron mal en point de l'industrie allemande.

La division agrochimique reste engluée dans des risques juridiques se chiffrant en milliards de dollars à cause du produit Round Up de la filiale Monsanto, contenant du glyphosate accusé de provoquer des cancers.

L'inventeur de l'aspirine, il y a 125 ans, doit rajeunir sa branche pharmacie affaiblie par un portefeuille de produits vieillissants.

De ses entrevues avec d'autres PDG également confrontés à des problèmes structurels, M. Anderson a tiré un "message clair : vous pouvez soit réorganiser les opérations pour améliorer les performances, soit procéder à un changement structurel majeur - mais vous ne pouvez pas faire les deux en même temps".

Deux milliards d'économies

Le dirigeant américain a affirmé que le groupe "consacrera son énergie et ses efforts" au cours des 24 à 36 prochains mois à regonfler le "pipeline" pharmaceutique, réduire les risques juridiques et la dette nette, s'élevant à plus de 34 milliards d'euros fin 2023.

Dans cette optique, Bayer avait annoncé en février qu'il allait réduire son dividende de 95% pendant trois ans.

Il veut aussi simplifier de 12 actuellement à 6 au maximum les étages dans la hiérarchie, selon un modèle d'organisation devant générer deux milliards d'euros d'économies chaque année à partir de 2026.

M. Anderson n'a pas précisé mardi combien d'emplois pourraient être supprimés par ce biais, après avoir annoncé il y a quelques mois une "réduction significative" des effectifs en Allemagne d'ici fin 2025, ciblant les fonctions d'encadrement.

Le groupe se débat par ailleurs avec quantité de procès aux Etats-Unis liés aux effets cancérigènes présumés de l'herbicide produit par Monsanto, racheté en 2018 pour 60 milliards de dollars.

A fin janvier, 54.000 dossiers restaient à régler sur un stock de 167.000 demandes enregistrées.

Bayer s'est vu infliger dernièrement des condamnations se montant en milliards de dollars, avec des procédures en appel toujours en cours.

La problématique des litiges est examinée "sous tous les angles, à l'intérieur et à l'extérieur des salles d'audience", a martelé M. Anderson.

Cela "implique d'envisager tous les moyens possibles" pour y mettre un terme et donc "plus d'action" à venir, selon des détails qui seront révélés ultérieurement, a-t-il ajouté.

Perte d'environ 3 mds d'euros

Résoudre l'ensemble des problèmes du moment "nous donnera une flexibilité stratégique" à terme, selon M. Anderson.

En 2023, Bayer a encore accusé une perte de 2,9 milliards d'euros, en raison de lourdes dépréciations dans la branche agrochimie, contre un bénéfice net de 4,2 milliards d'euros en 2022.

Les ventes globales ajustées des effets de change et de portefeuille ont totalisé 47,6 milliards d'euros, en baisse d'1% sur un an, ce qui est conforme à sa prévision rabotée de l'été dernier.

Il vise pour 2024 un chiffre d'affaires "à peu près stable", toujours ajusté des effets de change et de portefeuille, et un résultat d'exploitation ajusté par action "en baisse".

Comme déjà annoncé, les actionnaires devront accepter une baisse drastique du dividende: de 2,40 euros l'an dernier, il va passer à 0,11 euro cette année.

En Bourse, Bayer creusait ses pertes (-1,7%) en début d'après-midi à la Bourse de Francfort. Le titre a perdu plus de 50% depuis un an.

afp/rp