Les speculations vont forcément bon train sur les raisons qui motivent une telle thésaurisation, a fortiori lorsque Buffett rappelle lui-même dans sa dernière lettre aux actionnaires publiée ce week-end qu’il ne favorisera « jamais » la détention de cash à celle de titres au capital de belles entreprises.
Le message restera sans doute inaudible chez ceux qui penseront décoder entre les lignes un authentique pari sur une baisse des marchés par l’Oracle d’Omaha, roi des investisseurs dits « value », c’est-à-dire ceux portés à n’investir dans des entreprises — cotées ou privées — qu’à la condition que leurs valorisations évoluent très en deçà de leurs valeurs intrinsèques.
En la matière, les derniers paris de Berkshire n’ont pas tous été heureux, comme en témoigne la contre-performance de l’investissement dans Occidental Petroleum ou la liquidation prématurée de la participation prise dans Citi. Voir à ces sujets Le pari de Warren Buffett dans Occidental continue d'étonner et La délicate équation de Fraser chez Citigroup.
Réussite en revanche hors normes pour les investissements au Japon. Non seulement leur valeur au marché a doublé en deux ans, mais Warren Buffett n’a en plus rien perdu de ses talents d’arbitragiste : financés par de la dette en yens à taux fixe, ces investissements coûtent à Berkshire $135 millions d’intérêts par an ; face à cela, ils verseront cette année $812 millions en dividendes. Voir à ce sujet Berkshire Hathaway Inc. : Macro trade.
Pour en revenir aux niveaux de liquidités inédits dans la base d’actifs de Berkshire, nous rappelions il y a six mois dans Berkshire Hathaway Inc. : Derrière les chiffres que ces dernières n’étaient pas non plus entièrement libres et déployables. Les opérations d’assurance et plus encore de réassurance de Berkshire, qui font la part belle aux contrats dits « super-cats » — destinés à couvrir des catastrophes majeures, improbables mais extrêmement coûteuses lorsqu’elles surviennent — obligent en effet le groupe à provisionner d’importantes réserves.
A ce titre, on observe que Berkshire conservait en fin d’année 2024 des réserves somme toute dans la moyenne si on les rapporte aux volumes des activités d’assurance d’une part, et qu’on les ajuste des gains encore tout frais — près de $120 milliards tout de même — obtenu sur les cessions partielles dans Apple et Bank of America d’autre part. Voir à ce sujet Berkshire Hathaway Inc. : Carton plein.
La véritable orientation de Buffett par rapport aux marchés actions est par ailleurs en partie révélée par l’allocation d’actifs au sein du plan de pensions de Berkshire. Celui-ci est grosso modo investi aux deux-tiers en actions, et pour le tiers restant en produits à taux fixes. Par rapport aux objectifs de rentabilité du plan, ceci indique vraisemblablement des attentes de rendement pour le marché actions assez proches de leurs moyennes historiques.
Rappelons enfin que l’imposante trésorerie du conglomérat basé à Omaha reste toutes proportions gardées en phase avec les valorisations des très grandes entreprises qui constituent désormais son seul univers d’investissement exploitable. A titre illustratif, la liquidité totale chez Berkshire représente ainsi moins des trois-quarts de la capitalisation boursière de groupes comme Netflix ou Exxon. Voir à ces sujets Netflix boucle une année blockbuster et Exxon Mobil Corporation : Perspectives babyloniennes.