Lausanne (awp/ats) - Le Tribunal fédéral rejette un recours de la banque Mirabaud, condamnée à rembourser plus de 140'000 euros à quatre clients belges membres d'une hoirie. La banque avait exécuté, sans procéder aux vérifications d'usage, un ordre de virement par courrier qui avait été détourné et falsifié par des escrocs.

Les défendeurs avaient hérité de la relation bancaire de leur père au décès de celui-ci en décembre 2016. La banque Mirabaud avait dès lors exigé que les instructions lui soient transmises par courrier postal, avec la signature des quatre membres de l'hoirie.

L'établissement était moins formel cependant lorsque les ordres étaient dans l'intérêt de la succession, comme le paiement de factures médicales du défunt ou les frais funéraires. A fin avril 2017, l'un des héritiers s'est entretenu à plusieurs reprises avec la banque par téléphone au sujet du versement de 141'500 euros à la notaire qui s'était chargée de la succession. Un ordre de paiement a été scanné et envoyé par courriel et aussi par la poste à la banque.

Ordre falsifié

Or la lettre a été interceptée par des escrocs qui ont modifié les coordonnées bancaires (IBAN et BIC) et le prénom d'un des héritiers qui, par erreur, était mentionné deux fois dans l'ordre original. Contrairement aux directives internes, l'établissement a exécuté l'ordre le 10 mai sans que le gestionnaire ne l'ait vérifié. Il a admis par la suite qu'il confiait cette tâche à ses assistantes.

Le 16 mai, les escrocs ont envoyé un nouvel ordre. Celui-ci a été jugé douteux par la banque parce qu'il n'avait pas été évoqué au préalable par téléphone. En outre, il dépassait l'avoir en compte et était destiné à l'achat d'un immeuble. Le gestionnaire a alors interrogé son interlocuteur au sein de l'hoirie. Le pot-aux-roses a été découvert le surlendemain.

Saisie, la Cour de justice du canton de Genève a cassé le jugement de première instance qui libérait la banque Mirabeau de la demande de remboursement du dommage. Les magistrats ont estimé que si l'établissement demandait que l'instruction par courriel soit confirmée par un pli postal, elle devait en vérifier l'authenticité "avec la diligence requise par les circonstances".

Faute grave

En l'espèce, la cour a retenu une faute grave pour deux raisons. Premièrement, le gestionnaire du compte n'avait pas vérifié et visé lui-même l'instruction reçue par la poste. Deuxièmement, on pouvait attendre de la banque qu'elle se montre particulièrement attentive avant d'exécuter l'ordre. Dès lors qu'elle demandait une confirmation par la poste, elle ne pouvait pas se dispenser, sans violer les règles de la bonne foi, se dispenser de la comparer avec la version transmise par courriel.

Une comparaison aurait suffi à éveiller les soupçons, ont estimé les juges genevois: "toute personne raisonnable, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un employé de banque", aurait constaté que les coordonnées bancaires n'étaient pas les mêmes et que la correction du prénom d'un des hoirs, biffé et remplacé à la main dans l'ordre scanné, ne figurait plus dans l'original reçu par la poste.

Dans un arrêt publié lundi, le Tribunal fédéral confirme les conclusions de la justice du bout du lac. Cette dernière n'a pas violé son pouvoir d'appréciation en estimant que ces divergences auraient dû amener le gestionnaire à procéder à des vérifications supplémentaires, conformément aux directives internes.

Pour les juges de Mon Repos, il est connu que des fraudes se produisent lors d'envois par courriel mais aussi par la poste. Comparer les deux versions de l'ordre, scannée et écrite, relève de la "prudence élémentaire", surtout lorsque le montant est important. La 1ère Cour rappelle d'ailleurs que la recourante ne conteste pas qu'il était manifeste que l'IBAN avait été remplacé par un autre. (arrêt 4A_425/2021 du 23 août 2022)