S&P a placé sous surveillance négative les notes de crédit de Casino, menaçant de faire passer sa dette, actuellement notée BBB-, dans la catégorie des obligations à haut risque pour cause de forte dégradation des résultats du groupe au Brésil et de contraintes financières liées à un endettement élevé et à une structure complexe.

Cette annonce a fait replonger le titre en Bourse. Il abandonnait 7,3% à 37,11 euros à 12h25, comptant parmi les plus forte baisses du SBF120 et accusant une chute de 12,5% depuis le début de l'année, après un décrochage de 45% en 2015.

La capitalisation de Casino représente désormais moins d'un quart de celle de son grand rival français Carrefour.

L'enjeu est majeur pour Casino qui "doit garder la confiance de toutes les parties prenantes et notamment des agences de notation", soulignent les analystes de Natixis.

Pour y parvenir, le distributeur devra faire la preuve de sa capacité à redresser sa rentabilité en France et obtenir de bons prix pour ses actifs asiatiques promis à la vente.

"Le management de Casino doit rassurer en montrant qu'il peut mettre en place une stratégie claire de cessions d'actifs (sans ingénierie financière) sur de très bons multiples", renchérissent les analystes de Bryan Garnier.

Casino, qui a probablement trois mois - les 90 jours d'examen de S&P - pour procéder à ces cessions, a répondu lundi être "attaché à son statut d'émetteur 'investment grade'".

Le groupe assure que "l'amélioration de ses performances opérationnelles attendue en France en 2016 et l'ampleur du programme de cessions engagé sont des éléments importants qui renforceront sa structure financière".

S'il perdait sa notation actuelle, sa charge financière supplémentaire pourrait atteindre environ 100 millions d'euros en année pleine, selon des analystes.

Ceux de Bernstein estiment que, dans ce cas, le bénéfice par action pourrait chuter de 10% en 2016 et en 2017, avec un impact potentiel négatif de 4,00 euros sur le cours de Bourse.

S&P EN ÉCHO À MUDDY WATERS

L'agence S&P, qui avait confirmé il y a un mois la note de solidité financière de Casino est revenue sur son appréciation malgré de nouvelles cessions d'actifs annoncées par le groupe.

Faisant écho aux critiques du fonds américain Muddy Waters, S&P épingle aussi les contraintes financières liées à la structure de détention de Casino et les besoins de remontée de dividendes nécessaires au service de la dette de sa maison-mère, Rallye, dont les dettes dépassent aujourd'hui le montant de ses actifs.

Rallye détient 48,4% de Casino et dépend de ses dividendes pour rembourser une dette nette de 2,4 milliards d'euros.

Sur ce point, Casino s'est voulu rassurant, indiquant que les "covenants" bancaires de Rallye n'étaient pas liés au cours de Bourse de Casino ou à sa notation financière, alors que certains investisseurs estimaient que l'accélération des cessions pouvaient être dictée par de telles clauses.

Aucun chiffre n'est disponible concernant les autres entités de la cascade de holdings, Foncière Euris, Finatis et Euris, holding de tête non côté du PDG du groupe, Jean-Charles Naouri.

Muddy Waters, dans un courriel adressé à Reuters, s'est félicité de voir S&P reconnaître le "conflit d'intérêt" entre Casino et Rallye, indiquant que "la trésorerie devrait être affectée au remboursement de la dette de Casino qui atteint 7,55 milliards d'euros.

Mi-décembre, Muddy Waters avait jugé Casino "dangereusement endetté" et estimé que son ingénierie financière complexe masquait une forte détérioration de ses activités.

En réponse, Casino a défendu son modèle et sa structure financière, disant s'attendre à une nette amélioration de ses résultats en France et disposer des ressources pour ses remboursements au-delà de 2017.

Mis sous pression par son décrochage en Bourse en 2015 lié à ses contre-performances au Brésil et en France, Casino a dévoilé en décembre un plan de désendettement de 2,0 milliards d'euros, avant de réviser une nouvelle fois à la baisse ses prévisions de résultats 2015 le 14 janvier.

Contre toute attente, il a, le même jour, annoncé la cession de sa très rentable filiale Big C en Thaïlande - alors qu'il prévoyait il y a seulement un mois de faire entrer des investisseurs minoritaires dans ses galeries commerciales - afin de porter à 4,0 milliards d'euros son programme de désendettement.

Cette décision, motivée selon Casino par les marques d'intérêt reçues pour sa filiale, constitue aux yeux des analystes de Raymond James "probablement le prix à payer pour mettre fin aux spéculations sur un risque de défaut".

BigC, détenue à 58% par Casino, constitue de l'avis général la pépite du groupe valorisée à quelques 4,7 milliards d'euros.

Carson Bock (Muddy Waters) a quant à lui déclaré à Reuters que "ce changement de programme laisse penser que Casino est désespéré".

(Avec Matthieu Protard et Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Jean-Michel Bélot)

par Pascale Denis