Les grandes découvertes de l’époque : un puits d’inspiration pour Marcel Mérieux
Arbre généalogique des Mérieux
source : Wikipédia
La grande histoire entrepreneuriale de cette famille démarre avec Marcel Mérieux, dont le père était négociant soyeux (nous sommes à Lyon, voyons…). Au contraire de ses frères qui travaillent dans l’entreprise textile familiale, Marcel s’oriente vers les sérums et vaccins, et plus précisément dans le domaine de la biologie. Il passe par l’institut pasteur où il apprend beaucoup dans un contexte de grandes découvertes et d’avancées (la première vaccination sur le jeune Joseph Meister, mordu par un chien enragé, a eu lieu en 1885). Fort de cette expérience, Marcel Mérieux fonde un laboratoire d’analyses médicales et de production de sérums, l'institut Mérieux, qui est aujourd’hui encore le socle de la famille, nous y reviendrons plus tard. Après la première guerre mondiale, Marcel travaillera notamment sur le dépistage de la tuberculose et sur un sérum contre la fièvre aphteuse (maladie animale transmissible à l’homme), qui pour l’anecdote sera fabriqué sur un terrain acheté par Marcel à Marcy-l’étoile, qui est aujourd’hui l’un des plus grands sites de recherche et de production de vaccins au monde et qui abrite le siège de bioMérieux.
Le passage à l’échelle industrielle
Scientifique, docteur, résistant ou encore entrepreneur, les qualificatifs sont nombreux pour décrire Charles Mérieux, fils de Marcel. Charles prend en 1937 la tête de l’institut Mérieux. Il consacre sa vie à la lutte contre les maladies infectieuses en lançant la production industrielle de vaccins. Citons par exemple sa participation au développement du vaccin contre la méningite africaine : il organise la chaîne de production pour vacciner plus de 90 millions de brésiliens. Il implante plusieurs laboratoires dans le monde pour lutter contre des maladies infectieuses comme en Iran et à Moscou pour faire face à la fièvre aphteuse.Il crée la Fondation Mérieux en 1967 pour aider les pays en développement à lutter contre les maladies infectieuses. Il crée aussi le laboratoire P4 de Lyon qui permet d’étudier les pathogènes connus les plus dangereux.
Une dimension encore plus grande avec bioMérieux
Héritier de l’institut Mérieux, Alain Mérieux, petit-fils de Marcel, opère un virage stratégique avec la cession des activités vaccins à Rhône-Poulenc. Il s’oriente dans le domaine du diagnostic en créant en 1963 la société BD Mérieux avec l’entreprise américaine Becton Dickinson (qui deviendra bioMérieux lorsque Alain deviendra actionnaire majoritaire en 1974). La création de fortes synergies avec les sociétés acquises permet à bioMérieux de croître rapidement, jusqu'à devenir aujourd’hui un acteur de référence dans le domaine de diagnostic in vitro. Alexandre, l’un des trois fils d'Alain, reprend le groupe familial en 2017. Alain Mérieux est aussi président de Transgène, société spécialisée en oncologie.
Domaines d’intervention des Mérieux
L'institut Mérieux, qui remonte aux origines de Marcel Mérieux, est la holding familiale qui centralise toutes les activités. Elle est elle-même contrôlée, via la holding Compagnie Mérieux Alliance, à 68% par Alain et Alexandre Mérieux, à 32% par la fondation Christophe et Rodolphe Mérieux (nom qui rend hommage aux deux fils d’Alain Mérieux : Rodolphe, mort noyé et Christophe, enlevé par le gang des lyonnais puis libéré contre une rançon de 20 millions de francs). 10% de l’institut appartient à la holding EXOR détenue par la famille Agnelli.
Portefeuille de l’institut Mérieux
source : Institut Mérieux
La famille s'est bien diversifiée au fil du temps et est aujourd’hui présente dans de nombreux domaines de la santé.
Le principal actif est bioMérieux, contrôlé à 59% par l’institut Mérieux, et expert du diagnostic in vitro. L’entreprise intervient dans le domaine des applications cliniques (85% du chiffre d’affaires). Elle y est spécialiste sur trois technologies:
- Les immunoessais tout d’abord, qui sont la principale technologie du marché - 33% du marché du diagnostic In vitro estimé à environ 73 Mds€ pour ces applications - et qui correspondent au principe d’une réaction afin d’identifier ou de quantifier la présence d’anticorps dans un échantillon.
- La biologie moléculaire - biomérieux y réalise 38% de son chiffre d’affaires - comprend la détection de séquences d'ADN ou d’ARN caractéristiques d’un micro-organisme tels qu’une bactérie, un virus, un parasite ou un champignon. Cette technologie couvre 24% du marché.
- La microbiologie, - biomérieux est numéro un mondial sur cette spécificité - c'est -à -dire la mise en culture d’échantillons biologiques dans un milieu permettant aux bactéries de se multiplier afin de les identifier et de tester leur sensibilité aux antibiotiques, compte pour 4% du marché. L’entreprise ne couvre pas les autres technologies du marché du diagnostic in vitro clinique telles que l’hématologie, ou la biochimie clinique.
Répartition du marché du diagnostic in vitro clinique
source : bioMérieux
En somme, biomérieux vend des machines et réactifs (ces derniers représentent 83% du chiffre d’affaires) permettant de déterminer l'origine d’une infection, de la diagnostiquer afin de privilégier le bon traitement par la suite. Avec une fourchette comprise entre 60% et 70% des décisions médicales qui s’appuient sur le résultat d’un test, le diagnostic in vitro profite de tendances de long terme qui lui sont bénéfiques. Le vieillissement de la population, entraîné par l’allongement de l’espérance de vie et les changements de modes de vie - sédentarité, stress, habitudes alimentaires - induit un nombre de malades croissant (maladies liées à l'âge, cardio-vasculaires, neuro dégénératives, certains cancers, etc). Citons par exemple le diabète, dont le nombre de malades est passé de 415 millions en 2015 à 537 millions en 2021 dans le monde. D’autre part, l’amélioration du niveau de vie moyen, notamment des les pays en voie de développement, pousse à améliorer les systèmes de soins - l’entreprise réalise 17% de son chiffre d’affaires en Asie pacifique - et donc les dépenses pour le secteur de la santé. L’entreprise réalise plus de 90% de son chiffre d’affaires à l’international (dont 44% aux Etats-Unis). Il s’agit d’un secteur très concurrentiel, ou une quinzaine d’acteurs mondiaux se partagent 75% des parts de marché et où BioMérieux occupe la sixième place.
Un modèle économique basé sur la vente des réactifs
source : bioMérieux
Le reste du chiffre d’affaires est réalisé dans les applications industrielles. Le groupe fait partie des leaders mondiaux de ce segment avec environ 20% des parts de marché. Cette activité s’adresse aux laboratoires de contrôle et de qualité des grands groupes industriels de l’agroalimentaire, de la pharmacie et de la cosmétique. Les scandales alimentaires de ces derniers mois - pizzas Buitoni contaminées, Kinder infectées par les salmonelles, etc - ont l’effet de faire renforcer les obligations de contrôle de la qualité, notamment pour que les entreprises protègent leur réputation et leur image de marque.
Côté finances, bioMérieux affiche des taux de croissance plus qu’honorables. Sur la période 2013-2021, le chiffre d’affaires est en hausse en moyenne de 9,9% par an. Quant à la marge nette, elle est passée de 10,3% à 17,8% sur la période. Les résultats de l’exercice 2022 devraient marquer une phase de normalisation suite à la baisse de l’activité liée au Covid-19. Le redémarrage devrait intervenir dès 2023. Le groupe à relevé fin octobre dernier ses perspectives pour le prochain exercice. Il vise une croissance des ventes comprise entre +8% et +10% et un résultat opérationnel dans une fourchette entre 600 et 630 M€. Avec des dépenses en R&D (recherche et développement) supérieures à 10% du chiffre d’affaires, l’entreprise dispose de fortes capacités d’innovations, lui permettant de viser plusieurs lancements importants en 2023.
L’entreprise n’est pas endettée et la trésorerie nette s’élève à hauteur de 341 M€ à fin 2021. La gestion familiale est appréciable pour un investissement de long terme.
La famille dispose d’un autre acteur côté : la biotech Transgene. L’entreprise, contrôlée à 62% par les Mérieux, dispose d’un portefeuille de candidats médicaments vaccins thérapeutiques et de virus oncolytique (tueur de cellules cancéreuses). Elle est engagée dans neuf traitements différents avec sept molécules.
Portefeuille des candidats médicaments de Transgène
source : Trangène
Avec 36,3 M€ de trésorerie au 30 septembre 2022, la visibilité de l’entreprise est portée jusqu'à fin 2023. D’ici là, plusieurs résultats d’études seront dévoilés.
Cependant, la totalité de l’activité se concentre sur la recherche et le portefeuille de candidats médicament n’offre pas de réelle vision sur l’avenir de l’entreprise. De plus, dans son existence, Transgene a connu de nombreux échecs pour trop peu de réussites. Le modèle basé sur les accords de licence a permis à l’entreprise de réaliser plus de la moitié des 13,5 M€ de chiffre d’affaires en 2021. Citons par exemple l’accord de recherche collaborative avec option de licence en partenariat avec AstraZeneca afin de développer cinq virus oncologiques. Dans ce cadre, Transgène a reçu 10 M$ en 2019 et 8 M$ en 2021.
L'institut Mérieux est aussi présent en dehors du monde côté avec ABL et Mérieux NutriSciences. La première est une biotech, détenue à 100% par l’Institut Mérieux. Son siège est à Rockville, dans le Maryland. La société fournit des services de fabrication sous contrat et de recherche en laboratoire pour les thérapies géniques, oncologiques, vaccins et protéines biothérapeutiques. La société dispose également d’un laboratoire à Lyon.
La deuxième, Mérieux NutriSciences, est un expert de la sécurité, la durabilité et la qualité des aliments. Détenu à 70% par la famille Mérieux, l’entreprise est présente dans 27 pays avec plus de 8000 salariés. La société intervient dans de multiples domaines afin de garantir la protection des aliments : analyses microbiologiques, physico-chimiques, sensorielles, conseil en emballages, etc.
Enfin, l’institut Mérieux a 60% de Mérieux Equity Partners, société de Capital Innovation, Capital Développement et Transmission. L’entreprise gère des fonds d’un montant supérieur à 1,3 Md€ et accompagne plus de 50 sociétés dans les secteurs de la santé et de la nutrition.
Marcel, Charles et Alain Mérieux
source : institut Mérieux
Les quatre générations des Mérieux ont grandement contribué aux progrès de la médecine. La capacité d’innovation et d’expertise de chaque génération sont les raisons pour lesquelles la famille est présente dans autant d’actifs aujourd’hui.