Bien qu'il ne soit pas épargné par les difficultés qui affligent ses pairs — pandémie, Brexit, ralentissement chinois, retour des politiques protectionnistes, nouvelles régulations environnementales, transition vers les motorisations électriques et les coûts gigantesques qu'elle implique, etc. — le constructeur allemand reste en piste, et devrait même réaliser un modeste profit cette année.
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L'interruption quasi complète de la production couplée à la liquidation des stocks et la monétisation des crédits accordés aux clients devrait même entraîner une substantielle génération de cash en 2020. A ce titre, le free cash-flow consolidé a quadruplé sur les neufs premiers mois de l'année, principalement grâce à la réduction du besoin en fonds de roulement.
Comme chez Ericsson, discuté la semaine dernière dans cette rubrique, de lourdes dépenses de R&D — près de €6 milliards par an — continuent de gréver la profitabilité. BMW investit en outre massivement dans sa supply chain "électrique" : en témoignent ces €12 milliards de contrats avec les fabricants de batteries Northvolt, CATL et Samsung SDI, ou la modernisation à €500 millions de l'usine de Dingolfing en Bavière.
A l'instar de Volkswagen, qui vend les marques Porsche et Audi, BMW entame ce nouveau cycle d'investissements en position de force grâce à sa domination du segment premium, plus profitable et moins cyclique que le mass market, ainsi que son échelle sur trois continents et ses marges d'exploitation très supérieures à la moyenne de l'industrie.
De la rentabilité de ces investissements découlera la création de valeur sur les années qui viennent. Si rien n'est garanti, que le constructeur puisse en large partie financer ses programmes de développement à partir de ses cash-flows plutôt que via de l'endettement supplémentaire prévient le risque de catastrophe et représente un avantage compétitif majeur.
Celui-ci se reflète d'ailleurs dans son bilan autrement plus solide que ses pairs, nonobstant l'opacité structurelle de l'activité financement — les €88 milliards de prêts et leasings aux clients couvrent les €83 milliards de dettes et provisions à long terme consolidées — qui reste une boîte noire, quoiqu'une boîte noire très rentable en l'état.
On voit bien sûr s'additionner les signes d'une réduction voire d'une suspension du dividende, crise oblige. Un tel évènement serait sans doute temporaire autant que bienvenu : la famille Quandt — actionnaire stratégique du groupe — a déjà prouvé par le passé son attachement à une stratégie prudente, et privilégié la défense d'une bonne position financière plutôt qu'une distribution déraisonnable.
Au niveau de la conjoncture, malgré un volume de livraisons en baisse — de 1.87 million à 1.64 millions de véhicules sur les neuf premiers mois de l'année — on observe au troisième trimestre un net redressement des ventes, et un profit en hausse de 10% par rapport à l'an passé. La demande chinoise — le marché le pus large et le plus profitable de BMW — demeure très dynamique, tandis que la demande américaine se maintient.
Sur le dernier cycle, c'est-à-dire depuis 2010, les livraisons ont plus que triplé en Chine — de 220 000 à 720 000 véhicules par an — et sont restées à grosso modo 350 000 véhicules par an aux Etats-Unis. En Europe, notamment en France, en Scandinavie et au Royaume-Uni, les parts de marché de BMW se sont considérablement élargies. L'industrie se trouve certes dans un creux de cycle, mais le pessimisme extrême du moment est-il pour autant justifié ?
L'action BMW s'échange aux deux tiers de sa valeur comptable et à un multiple de x9 les profits annuels moyens sur la dernière décennie. Au-delà des incertitudes à court terme, bien réelles, cette valorisation ne rend possiblement guère justice à la position compétitive du constructeur, ni à sa rentabilité historique ou son assise financière.
Valorisée à deux fois les capitaux propres du segment, l'activité financement pourrait à elle seule valoir €40 par action. Une fois ajoutés les €35 par action liés à la joint-venture chinoise de BMW, on réalise que l'activité automobile est valorisée pour zéro — de même que l'activité moto, marginale mais très rentable, et que le cash en excès.
(Quoique séduisante sur le papier, cette valorisation via une basique "somme des parties" ne doit pas faire perdre de vue que BMW restera en premier chef évalué en rapport avec sa distribution de dividendes.)
Le constructeur devrait par ailleurs profiter des effets du considérable plan de réductions de coûts — accepté par les syndicats acculés à des concessions extrêmes — et à la déflation des dépenses de R&D après des années d'efforts hors-du-commun pour défendre une position de pionnier dans la course à l'électrique. Ces deux facteurs conjugués pourraient doper la profitabilité dès que s'amorce la reprise.
C'est justement le scénario privilégié par les analystes qui suivent le groupe. Encouragés par le momentum des dernières semaines, et par les espoirs d'une vaccination massive, ces derniers viennent de relever leurs anticipations de résultats. A moins d'une catastrophe économique, type implosion de la Chine après trente ans d'expansion frénétique, lesdites anticipations demeurent très prudentes.
BMW est l'un des derniers investissements du fonds Europa One, que conseille ZoneBourse de manière exclusive.