"Pour la première fois, des investisseurs se mobilisent pour pousser le premier émetteur de gaz à effet de serre du CAC 40 à se transformer de manière à répondre à l'urgence climatique. Il faut aujourd'hui saluer l'action de ces onze investisseurs", se réjouit Lucie Pinson, directrice de l'ONG Reclaim Finance. Les actionnaires en question sont Actiam, Candriam, Crédit Mutuel Asset Management et les Assurances du Crédit Mutuel, Ecofi Investissements, Friends Provident Foundation, Fédéral Finance Gestion, La Banque Postale Asset Management, Sycomore Asset Management et Meeschaert AM (qui joue le rôle de coordinateur). Reclaim Finance regrette toutefois l'absence de gros investisseurs français, notamment BNP Paribas, "pourtant en charge de mener les efforts d'engagement actionnarial auprès de Total pour le CA100+". Le CA100+ regroupe des investisseurs qui veulent pousser les gros émetteurs de gaz à effet de serre à se mettre en phase avec les accords de Paris.

La résolution des actionnaires propose de modifier les statuts de la société pour y intégrer une forte dimension environnementale. Il s'agit notamment d'y inclure un alignement des activités avec les objectifs de l'accord de Paris en "précisant un plan d'action avec des étapes intermédiaires pour fixer des objectifs de réduction en valeur absolue des émissions, directes ou indirectes, de gaz à effet de serre des activités de la Société liées à la production, la transformation et l'achat de produits énergétiques (Scope 1 et 2) et à l'utilisation par les clients des produits vendus pour usage final (Scope 3) à moyen et long terme et les moyens mis en œuvre par la Société pour atteindre ces objectifs".

Précédemment, le groupe pétrolier avait déjà dû s'expliquer sur sa stratégie environnementale et sur les objectifs de l'accord de Paris, notamment par le biais de questions posées en assemblée générale, comme dans l'extrait ci-dessous :

Questions à Total lors de l'AG 2019

Toutefois, à notre connaissance, aucune résolution de ce type n'avait encore pu voir le jour. Reclaim Finance et Greenpeace pensent qu'une telle résolution, si elle était adoptée, forcerait l'entreprise à prendre des engagements moins timides vis-à-vis du changement climatique. "Les petits changements à la marge et les effets d'annonce dont est coutumière l'entreprise ne suffiront plus pour atteindre la neutralité carbone à 2050 requise par le GIEC pour tenir l'objectif de 1,5°C. Il va falloir abandonner définitivement la vieille machine pétrolière et gazière polluante pour enfin initier une réelle transition énergétique basée sur les énergies renouvelables", explique Edina Ifticene, chargée de campagne pétrole pour Greenpeace France.

Les onze actionnaires voient dans le dépôt de cette résolution "l'aboutissement d'un long parcours grâce auquel la quantité d'actions nécessaire pour mener cette initiative est réunie et toutes les exigences administratives remplies". S'ils ont scrupuleusement suivi la procédure requise, il reste quelques écueils à franchir pour que la résolution soit soumise au vote des actionnaires. Le groupement espère recevoir un écho positif de Total, d'autant plus que certaines autres majors ont  déjà présenté "des engagements plus ambitieux". Toutefois, même si le texte parvenait jusqu'à l'assemblée générale, rien ne dit que le conseil d'administration l'agréera. Mais la balle est désormais dans son camp et sa réaction sera scrutée de près.