Paris (awp/afp) - "Cela fait quinze ans maintenant qu'ils sont pris au piège du prêt Helvet Immo": au procès en appel de la BNP Paribas Personal Finance, l'avocat de quelque 1300 parties civiles a plaidé mercredi et demandé une nouvelle condamnation de l'entreprise.

"Quinze ans qu'ils angoissent (...) qu'ils dorment mal, qu'ils se demandent pour certains s'ils ne vont pas mourir avec cette dette ou s'ils ne vont pas devoir la léguer à leurs enfants", a débuté Me Charles Constantin-Vallet. "C'est quinze ans d'une vie et il y a ceux qui tiennent, résistent, et aussi ceux qui craquent".

La filiale crédit à la consommation de BNP Paribas, connue en France via la marque Cetelem, est rejugée depuis le 15 mai pour pratique commerciale trompeuse et recel, soupçonnée d'avoir dissimulé les risques de ce prêt commercialisé en 2008 et 2009.

Libellé en francs suisses suisses, ce crédit destiné à l'investissement locatif défiscalisé était remboursable en euros, ce qui permettait un taux d'intérêt bas. Or, dans le sillage de la crise financière, l'euro s'est effondré face à la monnaie helvétique. Résultat: le montant restant dû a explosé pour les emprunteurs.

Condamnée en février 2020 à l'amende maximale de 187'500 euros et à plus de 100 millions d'euros (97,4 millions de francs suisses) de dommages et intérêts, BNP Paribas Personal Finance a fait appel, affirmant via son représentant légal qu'elle avait fourni une "information claire" et que l'effondrement de l'euro était "parfaitement imprévisible".

Les emprunteurs étaient des "ménages moyens" qui "ont souhaité se constituer un patrimoine", "préparer leur retraite, les études de leurs enfants, voire financer leur premier achat", a décrit Me Charles Constantin-Vallet.

Les intermédiaires, souvent des conseillers en gestion de patrimoine, leur ont proposé un "package" avec un bien immobilier et, "à la toute fin", "le prêt Helvet Immo".

Il s'agissait d'"emprunteurs inexpérimentés, qui ne voulaient courir aucun risque", insiste-t-il, contestant la présentation de la banque qui parle de clients relativement "avisés".

"Que reprochent-ils à la banque ? Avoir commercialisé un prêt en devises étrangères en période de crise économique, sans jamais avoir averti les clients du risque (...) Avoir vendu Helvet Immo comme un prêt sécurisé, comme le meilleur du marché": "en réalité, tous les arguments sont faux", soutient l'avocat.

"Sacrifices"

La filiale "a trompé les intermédiaires, qui ensuite répliquaient ce discours commercial" et elle a rédigé une "offre de prêt inintelligible", accuse le conseil. "De deux choses l'une: soit la banque n'a rien vu venir comme elle le dit" et "c'est une banque d'amateurs, de bricoleurs. Soit BNP a fait ces choix éclairés".

"Ma conviction, c'est que ce ne sont pas des amateurs", tranche-t-il.

Selon lui, l'entreprise avait "parfaitement anticipé" une appréciation du franc suisse, quoique pas de cette ampleur, mais ce produit financier, "très rentable", était "vital" pour que la filiale "ne perde pas pied sur le marché du prêt immobilier".

Pour Me Constantin-Vallet, BNP Paribas Personal Finance "a volontairement caché l'existence et l'importance du risque aux consommateurs".

Après lui, son confrère Hugo Delage plaide pour la "réparation intégrale du préjudice financier" des emprunteurs, ainsi que pour l'octroi d'un "préjudice découlant de l'atteinte à la liberté patrimoniale" et d'un préjudice moral.

Les parties civiles ont vécu "quinze ans avec un prêt qui vous obère toute possibilité de projet. C'est des sacrifices au quotidien (...) l'impossibilité de partir en vacances, d'acheter une voiture, de changer de résidence, c'est aussi des drames familiaux", soutient-il.

"Ils payent, sans aucun effet sur leur dette, des mensualités énormes", certains ont dû vendre leur résidence principale ou assister à des "saisies" sur leurs comptes, poursuit Me Delage, faisant valoir que la cour aurait un "effet utile" en condamnant la banque à payer ces dommages-intérêts, qui auraient "également un effet dissuasif".

En première instance, le tribunal avait imposé le versement immédiat des indemnisations, même en cas d'appel. Ces sommes peuvent néanmoins être annulées ou modifiées par la cour d'appel.

Le réquisitoire est attendu mardi 6 juin. La défense de la banque suivra.

afp/al