PARIS (awp/afp) - L'évolution imprévisible de l'épidémie de Covid-19, dont dépend la vitesse de la reprise économique, plane sur le projet de budget du gouvernement pour 2021, qui s'annonce plus que jamais soumis à de lourdes incertitudes.

"On ne peut pas trouver d'antécédents à la situation actuelle, avec un degré d'incertitude qui conjugue non seulement une incertitude sanitaire mais aussi une incertitude économique, et qui concerne l'ensemble du monde", résume l'économiste Alain Trannoy, directeur de recherche à l'EHESS.

Le projet de budget du gouvernement est ainsi présenté au moment où l'épidémie reprend de la vigueur en France et en Europe et où de nouvelles restrictions sont imposées aux bars, restaurants, évènements culturels et sportifs dans certaines régions.

De quoi inquiéter les entreprises et les ménages alors que la reprise suivait un rythme plutôt dynamique depuis le déconfinement.

Mais plusieurs indicateurs mesurant l'activité et l'état d'esprit des entreprises en septembre sont venus contrarier cet optimisme.

L'activité du secteur privé en France s'est de nouveau contractée en septembre, une première depuis le mois de mai, selon des données très scrutées du cabinet IHS Markit, et l'amélioration du climat des affaires s'est ralentie en septembre, selon l'Insee.

L'institut national de la statistique, tout comme la Banque de France, estiment que l'économie française tournait fin août à 95% de ses capacités normales.

"L'incertitude porte sur la vitesse à laquelle on récupèrera les cinq derniers pour cent mais il y a un consensus sur l'idée qu'on mettra du temps à les rattraper", explique Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué que l'objectif du gouvernement était de les regagner d'ici 2022, notamment grâce au plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans, qui doit permettre d'accélérer la transformation de l'économie vers les secteurs d'avenir (écologie, numérique, industries du futur, etc.) et soutenir les secteurs en difficulté.

"Le gouvernement doit être en mesure, si jamais la situation était pire que celle qu'il prévoit, d'avoir encore des munitions dans sa besace, et d'éventuellement pouvoir augmenter encore la taille du plan de relance" ou d'en modifier le contenu, estime Alain Trannoy.

En particulier, le risque de faillites d'entreprises pourrait augmenter à mesure que les aides d'urgences vont s'estomper. Cela crée une "importante incertitude sur l'évolution du marché du travail", souligne Hélène Baudchon.

Dégâts irréparables

"Les secteurs les plus en difficulté, c'est-à-dire ceux dont la perte d'activité était encore supérieure à 5% fin août par rapport à avant la crise, représentent 40% de l'emploi total intérieur français, ce qui n'est pas rien", a-t-elle évalué.

Et si la crise sanitaire dure, c'est-à-dire si le vaccin se fait attendre trop longtemps, les conséquences pourraient être encore plus profondes.

"Il y aura des dégâts dans le système productif qui laisseront des traces", juge Alain Trannoy.

L'épidémie pourrait ainsi affecter de manière structurelle certains secteurs, comme celui des transports.

Faut-il s'attendre à une modification pérenne des usages, avec moins de déplacements à l'étranger des personnes à risque comme les personnes âgées par exemple, ou une réduction des voyages professionnels avec le développement des outils numériques de visioconférence ?

Et, en parallèle, "les secteurs du développement durable, de la santé, du numérique, vont-ils suffisamment se développer pour être des relais de croissance pour la France?", interroge Alain Trannoy.

A ces incertitudes liées à l'épidémie de Covid-19 s'ajoute le dénouement incertain du Brexit et de l'élection présidentielle américaine, qui pourrait déboucher sur un renforcement des tensions commerciales internationales, à un moment où les échanges sont déjà très perturbés par la crise actuelle.

Seul réconfort pour le gouvernement: dans la mesure où la réduction du déficit n'est plus prioritaire pour l'instant, il a les coudées relativement franches pour construire son budget et soutenir l'économie.

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