Paris (awp/afp) - Plus de 1000 milliards de dollars en trois mois: les fusions-acquisitions explosent depuis fin 2020 et atteignent des niveaux historiques. Au-delà du rattrapage des opérations avortées ou mises en pause, la crise liée au Covid-19 a paradoxalement dynamisé le marché mondial.

Mariages de géants dans l'automobile entre PSA et Fiat Chrysler, dans le ferroviaire avec Alstom et Bombardier et aussi nombre d'opérations plus petites... "Les acquéreurs sont de retour sur le marché", assure Antoine Piednoël, analyste en cessions-acquisitions au cabinet de conseil Cedexio, spécialisé dans les petites entreprises.

L'agrégateur de données financières Refinitiv a enregistré 1.300 milliards de dollars de fusions-acquisitions annoncées sur les trois premiers mois de l'année -un niveau proche de ceux de 2007 et le deuxième meilleur trimestre depuis le début de leurs pointages. Mars bat même un record avec 548 milliards de dollars de transactions.

Le rebond, après le creux d'une année 2020 où l'irruption de la pandémie avait fait chuter les opérations à partir d'avril-mai, a commencé en septembre, mais c'est "plus qu'un effet rattrapage", selon Bruno Bousquié, associé chez EY Parthenon. Paradoxalement, "la crise a dynamisé le marché des fusions-acquisitions avec un effet de retard, car elle a amené les grandes entreprises et les fonds d'investissement à revoir leurs portefeuilles d'activités", explique-t-il.

Attaquer ou se renforcer

Pour Jean-Philippe Grosmaitre, associé au sein de Deloitte Finance, les opérations suivent deux logiques. La première est défensive: on va "céder une activité qui n'est plus le centre de métier" pour être plus performant ou bien "consolider un marché", en rachetant des fournisseurs en difficultés, des partenaires afin de faire front commun, détaille-t-il.

Le rapprochement en cours entre les géants français de l'eau et des déchets Suez et Veolia entre dans cette catégorie. Ou encore la cession par General Electric, en plein recentrage sur son coeur de métier industriel, de sa filiale de location d'avions GECAS à l'irlandais AerCap.

L'autre stratégie, c'est l'offensive: on s'implante sur un nouveau marché ou un marché adjacent "afin d'acquérir des savoir-faire sans les développer en interne, ou de générer de la croissance en rachetant des sociétés très innovantes", décrit encore M. Grosmaitre. Comme par exemple quand le géant de l'hôtellerie Accor négocie le rachat de la start-up anglaise Ennismore, en vue de développer son offre d'établissements "lifestyle", au style urbain et sophistiqué.

La crise du Covid-19 a aussi fait ressortir les faiblesses technologiques des entreprises peu préparées à un mode 100% numérique. Selon le baromètre de la confiance des investisseurs d'EY, "50% (d'entre eux) envisagent de faire des acquisitions pour accélérer dans la tech et l'innovation", affirme M. Bousquié.

Valorisations records

Racheter une entreprise devient une opportunité post-crise, y compris pour les PME et très petites entreprises où le marché est "super dynamique", selon Antoine Piednoël. Entre le vieillissement des dirigeants, la fatigue liée à la crise, les changements de vocation et autre bouleversements post-Covid, "les opérations ont repris bien plus fort qu'en 2019".

Cela dope aussi les valorisations des entreprises rachetées: elles ont atteint un record au dernier trimestre 2020 selon l'indice Argos, qui les prix d'acquisition des PME non cotées européennes. D'autant que, grâce aux aides gouvernementales, aux politiques monétaires accommodantes des banques centrales et aux crédits accordés encore assez facilement par les banques, "l'argent coule à flot", souligne M. Piednoël.

Les fonds d'investissement ont par ailleurs encore "beaucoup d'argent à investir", selon Bruno Bousquié. Il en voit pour preuve "le développement exponentiel des Spacs", des coquilles vides sans activité commerciale qui lèvent des fonds en entrant sur une place boursière avant d'acquérir une autre compagnie.

"Leur développement agit comme un accélérateur des activités de fusions-acquisitions", estime-t-il: "une fois les fonds levés, les gérants de la Spac ont un temps limité pour l'investir".

afp/vj