Le court terme d’abord, pour faire suite aux résultats à neuf mois du groupe publiés hier. L’activité construction, c’est remarquable, affiche une excellente tenue malgré une conjoncture à proprement parler apocalyptique dans le secteur ; le segment route et rail de Colas tient bon ; quant à l’activité promotion de Bouygues Immobilier, sans surprise, elle plonge avec un carnet de commandes en repli de 18% par rapport à l’an passé à la même époque. 

Tous les voyants sont au vert chez Equans, l’activité services multitechniques du groupe restructuré au forceps selon les vieilles recettes — quasi militaires — de Bouygues qui firent déjà leurs preuves ailleurs. En témoigne la croissance des revenus — malgré l’abandon de projets jugés insuffisamment rentables — et un profit d’exploitation en très forte hausse. Que de bons points ici donc, obtenus dans le pur style de la maison.

Les résultats de l’activité médias de TF1 ont déjà été commentés dans nos colonnes il y a quelques jours. Ceux-ci, rappelons-le, étaient satisfaisants à tous les niveaux, avec une excellente résistance du segment publicitaire — mieux que résister, celui-ci délivre même une légère croissance — et, sur le segment production, la sortie proche des deux potentiels « blockbusters » Marie-Antoinette et Memento Mori.

Stabilité — décidément le maître-mot de Bouygues — enfin de l’activité télécom, où la forte progression du segment fibre permet de compenser la moindre performance du segment mobiles — au modèle économique à peine soutenable comme nous le rappelions dans Orange : Prise de recul. Avis aux abonnés Bouygues : des hausses de prix sont à prévoir sur les deux segments, qui pris ensemble consomment toujours les deux-tiers des investissements consolidés du conglomérat. 

Voici les nouvelles du court terme, dans l’ensemble positives, voire très positives si l’on tient compte du contexte économique actuel. C’est au niveau du long terme que les choses se gâtent chez Bouygues, car qu’y observe-t-on ? Qu’en quinze ans, si le chiffre d’affaires consolidé progresse de €31 à €56 milliards, le profit d’exploitation ne bouge lui pas d’un chouïa, tandis qu’entre-temps la rentabilité s’érodait sévèrement. 

Le cours de l’action reflète cette dynamique puisqu’il est aujourd’hui exactement au même niveau qu’il y quinze ans — ceci, bien entendu, ne tient pas compte des dividendes distribués sur la période. Comme en plus le groupe évolue sur un niveau d’endettement bien plus élevé que de coutume depuis l’acquisition d’Equans, on comprend que les investisseurs se soient progressivement désintéressés du groupe, dont la valorisation évolue en ce moment sur son plancher historique de dix fois les profits. 

En théorie, faute de croissance des profits, un investissement ne peut se justifier que par le rendement sur dividende. Il est à noter que ce dernier pourrait être amené à sensiblement grossir très prochainement, puisque, maintenant que le territoire français est couvert à 90%, le groupe est arrivé au terme d’un programme d’investissements majeur sur son activité fibre. Libérés, des cash-flows supplémentaires devraient donc être réorientés vers la rémunération des actionnaires.