Voici qui pouvait étonner pour un groupe bien géré, solidement positionné au Canada et en Amérique du Nord, parvenu sur le cycle décennal précédent à tripler son chiffre d’affaires, et qui restait malgré cette expansion capable de distribuer l’intégralité de ses profits à ses actionnaires. 

BRP — diminutif de Bombardier Recreational Products — n’est pas un inconnu des lecteurs de Zonebourse. Voir à son sujet BRP Inc. : Premiers signes de récession et BRP Inc. : Croissance spectaculaire, valorisation très basse publiés dans ces mêmes colonnes au fil des deux dernières années. 

En réalité, le marché voyait juste, comme souvent lorsqu’il valorise des entreprises cycliques à des multiples très bas. C’est le signe quasi certain que les profits ont atteint un record de haut de cycle et s’apprêtent à subir une sévère contraction ; comme, à l’inverse, un multiple stratosphérique indique souvent une reprise imminente. 

Comme tant d’autres activités, celle de BRP a été profondément impactée par la pandémie et son contrecoup. Plutôt qu’une décroissance, les résultats de l’exercice fiscal qui vient de s’achever indiquent plutôt une normalisation après deux folles années au cours desquelles le constructeur a répondu à un afflux de commandes sans se gêner pour augmenter ses prix. 

Fin de la fête en 2024 donc, avec une marge brute sur son plus-bas à quinze ans et une marge d’exploitation sur son plus-bas à dix ans. Si le résultat net est négatif, c’est surtout parce qu’il est impacté par une dépréciation d’actifs liée à la vente de la division Marine, dont on apprenait il y a dix jours qu’elle serait rachetée par Bryton Marine Group

Les liquidations d’inventaires se poursuivent et permettent d’assurer un cash-flow libre de $313 millions, comme de coutume intégralement retournés aux actionnaires via $201 millions en rachats d’actions et $62 millions en dividendes, en sus de $108 millions de dette repayée. 

BRP a orienté plus de $1.6 milliard vers les rachats d’actions ces quatre dernières années à des valorisations entre six et huit fois son profit d’exploitation avant investissements, ou EBITDA. Le groupe reste ici fidèle à sa stratégie de cannibalisation, puisqu’en dix ans il réduit son nombre de titres en circulation d’un tiers.  

S’il maintient le rythme et reprend le chemin de la croissance, le nouveau cycle qui débute sera sans doute très lucratif pour ses actionnaires. Si en revanche son marché se grippe durablement, la priorité sera de parer au plus pressé et d’assurer le désendettement ; les actionnaires n’auront alors d’autre choix que de prendre leur mal en patience.