Le roi des investisseurs dits « value » a prouvé qu’il savait aussi y faire en matière de venture capital, puisque dix-huit plus tard son investissement dans BYD s’est apprécié d’au moins vingt-cinq fois son montant initial.
Quoique, comme l’a plusieurs fois rappelé Charlie Munger au fil des ans, le cas du constructeur chinois était une situation typiquement « value » — c’est-à-dire une obscure entreprise industrielle qui décotait en bourse sur la valeur de ses capitaux propres — lors de l’entrée en scène de Berkshire.
Elle avait cependant pour elle d’être dirigée par le « Thomas Edison chinois », dixit Munger, dont la perspicacité valait bien le sens de la formule.
Wang Chuanfu a en effet réussi un pari qui semblait au départ complètement fou : transformer un sous-traitant spécialisé dans la fabrication de téléphones portables — le BYD des origines — en un constructeur automobile capable de s’imposer comme un leader mondial des nouvelles technologies de mobilité.
Entre 2004 et 2014, BYD a ainsi cru son chiffre d’affaires — en dollars américains — de $0.8 milliard à $9 milliards, essentiellement grâce à son activité dans l’électronique. En 2014, le groupe basé à Shenzhen n’avait ainsi vendu que 465 000 véhicules — à la conception encore douteuse — sur les douze mois écoulés.
Entre 2014 et 2024, la trajectoire de croissance est restée pareillement météorique, avec un chiffre d’affaires passé de $9 milliards à $106 milliards ; tandis que BYD vendait sur les douze mois écoulés 4.3 millions de véhicules, dont presque un cinquième hors de Chine.
Les observateurs attentifs auront en effet remarqué que BYD est bel et bien parti à la conquête du monde. Si le marché américain n’a pas encore été abordé, les modèles du constructeur sont de plus en plus souvent aperçus dans les rues des grandes villes européennes.
BYD démarre très fort sur le Vieux Continent, et il y a fort à parier que la déferlante ne fait que commencer. Ceci, malgré des droits de douane de 27% imposés par l’Union Européenne. A ce sujet, il est remarquable que le constructeur parvienne malgré ces derniers à proposer des prix très attractifs.
Au niveau de sa performance financière, il est pareillement remarquable que l’expansion météorique de BYD ait été presque entièrement autofinancée — en dépit de la nature hyper-capitalistique de son activité — et que le groupe n’ait jamais réalisé le moindre exercice déficitaire sur les vingt dernières années.
Tesla souffre ici la comparaison avec le chinois. Le constructeur américain, qui vendait pour sa part 1.8 million de véhicules l’an passé, dont les deux-tiers à l’étranger, a lui aussi connu une ascension fulgurante — son chiffre d’affaires est passé de $3.2 milliards en 2014 à $97 milliards en 2024 — mais il l’a fait au prix de six exercices déficitaires sur la période.
Ses marges demeurent par ailleurs très inférieures à celles de BYD. Le groupe de Wang Chuanfu a pourtant soutenu jusque-là une stratégie commerciale agressive qui visait à casser les prix pour prendre des parts de marché — soit l’exact inverse de la stratégie poursuivie par Tesla, qui a tenté de s’imposer avec un positionnement à la Porsche avant de revenir aux réalités.
En matière de valorisation boursière, c’est BYD qui souffre la comparaison avec Tesla : la valeur d’entreprise du premier évolue actuellement sur ses plus-bas à dix ans de quinze fois le profit d’exploitation attendu en 2025 ; face à cela, malgré son récent bouillon boursier, Tesla reste lui valorisé à quatre-vingt quinze fois son profit d’exploitation attendu cette année.
Le chinois dispose pourtant d’avantages indéniables sur son rival américain : un coût de production unitaire plus bas, une intégration verticale plus complète, et, osons le dire, un dirigeant moins mercurial et surtout moins compromis politiquement.