Le numéro un nord-américain de la production d’oeufs est coutumier de ces manifestations. En 2015, une épidémie avait causé une réduction des troupeaux de volailles et une spectaculaire envolée de ses résultats. Un épisode semblable, quoique moins dramatique, s’est également produit en 2022.

Dans un cas comme dans l’autre, le troupeau global — tous producteurs confondus — avait subi des pertes n’excédant pas 10%. On mesure donc l’extrême sensibilité des prix à un ajustement même mineur des capacités de l’offre ; on n’ose par ailleurs imaginer l’amplitude que causerait une hécatombe plus sévère.

Le contrecoup de ces épisodes épidémiques avait en revanche été défavorable, car les producteurs s’étaient empressés de reconstituer leurs troupeaux et même d’augmenter leurs capacités par précaution ; les prix avaient donc dégringolé en l’espace de quelques mois.

Cal-Maine est cependant coutumier de ces variations de conjoncture. Son chiffre d’affaires, soulignons-le, peut varier presque du simple au double d’une année sur l’autre — le cas s’est présenté deux fois en quinze ans — et ses marges d’exploitation évoluer dans le rouge comme dépasser celles de Microsoft. 

Illustration de ce paradigme : entre 2014 et 2016, la rentabilité des capitaux propres de Cal-Maine évoluait à une moyenne de 28%. Les trois années suivantes, entre 2017 et 2019, celle-ci évoluait plutôt aux alentours d’une moyenne de 4%. Après la pluie le beau temps, et vice-versa.

C'est à ce titre que, dans la foulée du choc de 2022, les actions du groupe basé dans le Mississippi avaient été prises pour cible par les vendeurs à découvert. Pas inédit, leur pari était que la réponse des producteurs — qui s’empressaient de reconstituer leurs troupeaux — allaient augmenter l'offre et durablement déprimer les prix.

La nouvelle épidémie de grippe aviaire — manifestement une résurgence du virus H5N1 — a pris ces oiseaux de mauvaise augure au dépourvu. Il a aussi propulsé à la hausse le cours du titre Cal-Maine, qui double en l’espace de douze mois, ce qui ne s’était jamais vu auparavant. 

Avant l’inévitable contrecoup ? Heureusement, la famille Adams — qui contrôle le groupe — impose une gestion prudente : très confortablement capitalisé, Cal-Maine n’a pas de levier financier et devrait cette année disposer d’une trésorerie en excès qui dépasse un milliard de dollars. 

Si l’histoire sert de guide, la famille en profitera pour assurer la distribution d’un nouveau dividende spécial. A moins qu’elle ne décide de consolider son secteur, car sa configuration s’y prête tout à fait bien : Cal-Maine en est le leader, avec 15% de parts de marché ; pris ensemble, les quatre producteurs suivants en contrôlent 25%.

Il y a encore quelques mois, le groupe était valorisé sur son plancher historique de x1.3 les capitaux propres. Reflet du pessimisme extrême des investisseurs et de l’offensive des vendeurs à découvert, ce niveau n’avait pas été atteint depuis 2009 et le plus-bas de la crise des subprimes. 

La valorisation de Cal-Maine évolue désormais proche de son plafond historique de x3 les capitaux propres. Durant le grand épisode spéculatif de 2015, elle avait grimpé jusqu’à x4 les capitaux propres. En 2022, cette percée s’était arrêtée à x2.5 ces derniers.