par Casey Hall

SHANGHAI, 7 janvier (Reuters) - Ce samedi en Chine marque le premier jour de "chun yun", période de 40 jours correspondant au Nouvel An lunaire appelée à donner lieu à de grands mouvements de population favorables à la propagation à grande échelle de l'épidémie de COVID-19.

Pour la première fois depuis 2020, le Nouvel An lunaire, qui commence officiellement le 21 janvier, ne sera pas assorti de restrictions de mouvements après l'abandon par les autorités de la politique "zéro COVID" synonyme de confinements, fermetures et autres campagnes de tests qui ont gravement affecté la deuxième économie mondiale.

Les investisseurs espèrent que la réouverture du pays permettra de revitaliser une économie qui enregistre sa plus faible croissance depuis près d'un demi-siècle.

Ce brusque changement de politique a aussi pour conséquence d'exposer pour la première fois une grande partie des 1,4 milliard d'habitants au virus, déclenchant une vague d'infections qui submerge des hôpitaux, vide les étagères des pharmacies et allonge les files d'attente dans les crématoriums.

Le ministère des Transports a dit vendredi s'attendre à plus de deux milliards de déplacements de passagers au cours des 40 prochains jours, une augmentation de 99,5% en glissement annuel, soit 70,3% du nombre de voyages enregistrés en 2019.

Les réactions en ligne à cette nouvelle ont été mitigées, certains se réjouissant de la possibilité de célébrer le Nouvel An lunaire en famille pour la première fois depuis des années, d'autres craignant de contaminer des parents âgés.

"Je n'ose pas retourner dans ma ville natale, de peur de ramener le poison", peut-on lire dans l'un de ces commentaires sur le compte Twitter de Weibo.

La grande migration des travailleurs vers leur région d'origine pourrait provoquer des pics de contamination dans les petites villes et les zones rurales, moins bien équipées en lits de soins intensifs et en ventilateurs.

Les autorités affirment renforcer les services médicaux de base, ouvrir des cliniques et prendre des mesures pour les patients à haut risque, en particulier les personnes âgées fragiles.

"Les zones rurales de la Chine sont vastes, la population est importante et les ressources médicales par habitant sont relativement insuffisantes", a déclaré samedi le porte-parole de la Commission nationale de la Santé, Mi Feng.

Selon certains analystes, la vague actuelle d'infections a peut-être déjà atteint un plafond.

RÉOUVERTURE DES FRONTIÈRES

Dimanche, la Chine rouvrira sa frontière avec Hong Kong et mettra fin à l'obligation pour les voyageurs venant de l'étranger de se mettre en quarantaine. De nombreux Chinois vont pouvoir voyager à l'étranger pour la première fois depuis la fermeture des frontières, il y a près de trois ans, sans crainte de devoir se mettre en quarantaine à leur retour.

Plus d'une douzaine de pays exigent désormais des tests COVID de la part des voyageurs en provenance de Chine.

L'Organisation mondiale de la santé a estimé mercredi que les données de Pékin en terme de nombre d'hospitalisations et de décès dus au COVID étaient sous-estimés.

Les responsables chinois et les médias d'État ont défendu leur gestion de l'épidémie, minimisant la gravité de la flambée épidémique et critiquant les mesures décidées à l'étranger à l'encontre des voyageurs chinois.

Samedi à Hong Kong, les personnes qui avaient pris rendez-vous devaient patienter pendant environ une heure et demie dans un centre de tests PCR avant de voyager, en Chine continentale notamment.

La Chine, qui a beaucoup investi dans un vaste programme de tests, met désormais l'accent sur les vaccins et le traitement.

À Shanghai, par exemple, les autorités ont annoncé vendredi la fin des tests PCR gratuits pour les résidents à partir du 8 janvier. Selon une circulaire publiée samedi par quatre ministères, des ressources financières sont réaffectées vers les traitements, subventionnés à hauteur de 60% jusqu'au 31 mars.

Des sources ont déclaré à Reuters que la Chine était en pourparlers avec Pfizer Inc pour obtenir une licence permettant à la Chine de fabriquer et de distribuer une version générique du médicament antiviral COVID du groupe américain Paxlovid.

De nombreux Chinois ont tenté d'acheter le médicament à l'étranger et de le faire expédier en Chine.

Sur le front des vaccins, la société chinoise CanSino Biologics Inc a dit avoir lancé des essais pour son vaccin de rappel d'ARNm COVID, connu sous le nom de CS-2034.

La Chine a élaboré neuf vaccins au niveau national, mais aucun ne cible la variante hautement transmissible d'Omicron et ses ramifications actuellement en circulation.

Le taux de vaccination du pays est supérieur à 90% mais le taux pour les adultes qui ont reçu des rappels tombe à 57,9% et à 42,3% pour les personnes âgées de 80 ans et plus, selon les données gouvernementales publiées en décembre.

La Chine a signalé vendredi trois nouveaux décès par COVID sur le continent, portant le nombre officiel de morts depuis le début de la pandémie à 5.267, l'un des plus bas au monde.

Les experts internationaux de la santé estiment que la définition étroite de Pékin des décès par COVID ne reflète pas le véritable bilan, et certains prédisent que plus d'un million de décès pourraient survenir cette année.

(Reportage Casey Hall à Shanghai, Julie Zhu à Hong Kong et Kevin Huang, avec la contribution de Jindong Zhang; Version française Elizabeth Pineau)