Les investisseurs avaient apprécié, puisque la valorisation boursière de Tapestry s’était envolée de plus de 30% au long des semaines suivantes. C’est dire le peu d’estime qu’en retour ils portent à Capri, qui de son côté a vu le cours de son titre divisé par trois depuis le veto fédéral mis à un rapprochement des deux groupes en vertu de la réglementation de la concurrence. 

L’action Capri Holdings s’échange désormais à moins de $15, c’est-à-dire nettement sous le montant de $57 qu’offrait Tapestry l’an passé. Gloire déchue du prêt-à-porter comme Burberry ou Gucci, la marque-phare du groupe, Michael Kors, rapportait l’an passé les deux-tiers du chiffre d’affaires consolidé de Capri ; c’est elle qui concentre les inquiétudes des investisseurs.

En fin de semaine dernière, le groupe dirigé par John Idol annonçait la vente de Versace à Prada pour $1.4 milliard. A peine à l’équilibre, la maison italienne ne représentait que un cinquième du chiffre d’affaires consolidé réalisé en 2024. Et a en juger par les éléments de langage des précédents communiqués, cette cession prépare le rachat de Capri par un fonds de private equity. 

Dirigé par l’excellent Andrea Guerra, Prada fait a priori une bonne affaire puisqu’il acquiert Versace à x1.4 ses ventes, avec des synergies évidentes entre les deux grandes maisons italiennes. C’est en revanche une nettement moins bonne affaire pour les actionnaires de Capri Holdings, puisque Versace avait été acheté $2.1 milliards en 2018 ; la destruction de valeur est ici évidente. 

Trop dépendant des résultats de Michael Kors — car son autre franchise Jimmy Choo représente 15% du chiffre d’affaires consolidé mais ne génère pas de profits — Capri et son directeur général John Idol restent sujets à une défiance extrême du marché ; en témoigne le spread de 25% entre le cours le plus élevé du titre en 2024 et l’offre de Tapestry à $57 par action.

A périmètre comparable, le groupe a brillé par son absence de croissance au long de la dernière décennie. Comme sa structure de coûts a doublé sur la période, les profits ont connu une compression plus ou moins continue, sans signes de redressement à l’horizon. Perçue par certains comme un atout, la très faible exposition au marché chinois ne s’est pour l’instant pas traduite par un avantage stratégique. 

Les amateurs et amatrices de Michael Kors — et de Jimmy Choo dans une moindre mesure — prêts à parier sur une inflexion de tendance seront néanmoins tentés de prendre le risque aux niveaux de valorisation du moment. Les cash-flows restent à l’équilibre et la vente de Versace va permettre de désendetter complètement le bilan ; à ce titre, la valeur d’entreprise — baux d’exploitation compris — suite à cette transaction oscillera sans doute autour de x0.75 les ventes.  

Voir également Prada S.p.A. : Évènement catalyseur et Prada rachète Versace pour défier les géants français du luxe.