Carnival Corporation est le plus grand opérateur de croisières au monde, avec 37% de la capacité mondiale de transports de passagers en 2024. Comme l'ensemble du secteur, l'entreprise a connu plusieurs années difficiles. La pandémie de Covid a mis l'activité à l'arrêt pendant de longs mois, privant ainsi les croisiéristes de revenus. Sur le plan financier, la conséquence principale a été l'augmentation de la dette. Pour Carnival, celle-ci a presque triplé entre 2019 et 2022, passant de 11 à 30,5 milliards de dollars.

Mais depuis, le groupe redresse progressivement la barre. Les résultats 2024 témoignent de cette dynamique. Le chiffre d’affaires annuel est en progression de 16% par rapport à 2023, tandis que l’EBITDA a dépassé pour la première fois les niveaux de 2019. Ces bons chiffres s'expliquent par le retour massif des voyageurs en quête d’expériences maritimes. La demande pour les croisières est très forte, particulièrement en Amérique du Nord et en Europe. Et par rapport à 2019, la hausse de la demande a été bien plus forte que celle de l’offre ; les capacités de transport de Carnival n'ayant augmenté que de 9% entre 2019 et 2024. Ainsi, l'entreprise a pu augmenter les prix des croisières.

Source : Carnival Corp, Q4 2024 Earnings presentation

Inventer des destinations

Depuis plusieurs années, les paquebots de croisière sont décriés, à la fois pour leur impact environnemental, mais aussi parce qu'ils sont devenus l'emblème du tourisme de masse. L'opposition est devenue particulièrement forte dans les villes européennes, comme Barcelone ou Venise.

Si l'Europe reste une destination incontournable, les croisiéristes ont trouvé une parade pour développer leur activité : le développement de leurs propres îles ou plages privées dans les Caraïbes. Ainsi, des iles vierges ou des plages sont achetées aux gouvernements locaux puis transformées en sorte de club Med. En 2019, MSC a ouvert Ocean Cay (Bahamas), une île privée, qui servait auparavant à l'exploitation minière du sable d'aragonite, dont la transformation aurait coûté 500 millions de dollars, selon le Wall Street Journal. De son côté, Carnival prévoit d'ouvrir cette année Celebration Key sur l'ile de Grand Bahama.

Project Celebration Key. Source : Carnival Corp, Q4 2024 Earnings presentation

Carnival présente Celebration Key comme un "game-changing asset". Si les analystes de Zonebourse restent prudents avec cette formule typique des présentations investisseurs, la zone Caraïbe est en tout cas cruciale pour Carnival. Environ un tiers des capacités y sont déployées, un pourcentage qui s'est même légèrement renforcé par rapport à 2023. Et la demande semble au rendez-vous, Ocean Key, exploité par MSC depuis 2019 est désormais incluse dans de nombreux itinéraires de la compagnie.

Des cash-flows records pour diminuer le poids de la dette

En 2025, les réservations laissent entrevoir un taux d'occupation record tandis que les prix devraient poursuivre leur hausse. Ainsi, le résultat d’exploitation est attendu en progression de 25% cette année. Si la dette est toujours élevée, une génération de free cash-flow record est prévue pour 2025 et 2026, grâce à la forte activité, la maitrise des coûts et l'optimisation des itinéraires. Ainsi, la dette nette devrait converger vers le seuil de 3 fois l'EBITDA fin 2026.

Enfin, à 15,4 fois les bénéfices 2025, Carnival affiche une décote par rapport à ses concurrents, comme Royal Caribbean et Norwegian Cruise, qui s'explique par une rentabilité et une profitabilité moindres. Si la décote est justifiée, nous pensons tout de même qu'il y a un potentiel de réappréciation. D'abord parce que la croissance des bénéfices sera soutenue dans les prochaines années et ensuite parce que la décote est importante par rapport à l'ensemble du marché - le S&P500 traite autour de 22x les bénéfices 2025.