Ce matin, le Français et le Britannique ont dévoilé un "accord stratégique de long terme" qui couvre leurs relations avec les fournisseurs et l’achat en commun de produits de marque propre et de biens non marchands. Chaque société continuera à travailler de son côté avec ses producteurs locaux et nationaux. L'accord couvre une première tranche de trois ans. La mouture initiale sera disponible sous deux mois. Invest Securities y voit un "moyen pour Carrefour de compenser sa perte de momentum et la déperdition qui en résulte en France", même si les contours sont encore assez flous et que l'histoire ne dit pas, à ce stade, si le groupe dirigé par Alexandre Bompard embarquera son partenaire Système U dans l'aventure.

Un accord gagnant-gagnant

Chez Bernstein, James Grzinic titre son commentaire "TesCa", car il estime que ce partenariat est porteur de promesses pour les deux entreprises, mais avec "un impact plus important pour Carrefour compte tenu de ses marges faibles et de sa moindre visibilité". Bien mené, ce partenariat est susceptible d'entraîner des économies substantielles, juge l'analyste, car il porte sur des volumes conséquents. En première lecture, l'opération pourrait créer 450 millions d'euros d'économies en se basant sur une amélioration de 40 points de base des marges du portefeuille d'achat et sur une réduction de 2% des coûts d'achat non marchands. Le plein potentiel ne serait pas immédiatement atteint mais plutôt à la fin de la première session de trois ans.

"A ce stade, il n'y a pas de raison de penser que l'accord annoncé ce matin est autre chose qu'une collaboration dans les achats, signale Grzinic, mais cela rouvre aussi sans doute la voie à une certaine spéculation quant au retour des opérations transfrontalières, à l'heure où Amazon rôde et où les discounters allemands font des dégâts avec leur système d'approvisionnement réellement internationalisé. En tout cas, le secteur ne semble avoir d'autre choix que de déployer des changements spectaculaires dans la façon dont il appréhende les achats.

Pas question donc de tirer des plans sur la comète, même si un peu de spéculation dans le secteur sinistré de la distribution alimentaire européenne en général et française en particulier ne peut pas faire de mal. 

Les forces en présence

Carrefour est le numéro un européen et le numéro deux mondial de la grande distribution. Son chiffre d'affaires 2017 a atteint 79 milliards d'euros. Il employait en fin d'année dernière près de 379 000 personnes dans le monde. Sa marge opérationnelle 2017 a atteint à 2,5% tandis que sa capitalisation, déprimée, se limite à 10,6 milliards d'euros.

Tesco est le leader britannique du secteur, avec 56 milliards de livres (63,3 milliards d'euros) de revenus et une marge opérationnelle de 2,3%. La société emploie plus de 445 000 personnes. Les activités des deux groupes ne se recoupent au niveau géographique que sur 10% de leurs marchés. Sa capitalisation ressort à 25,1 milliards de livres (28,4 milliards d'euros).