Paris (awp/afp) - Un cours de Bourse divisé par deux depuis le début de l'année, et une chute de près de 7% depuis mardi: la situation financière du distributeur Casino préoccupe à nouveau les investisseurs, notamment sur sa capacité à respecter ses engagements en matière de désendettement.

Un apparent paradoxe: le groupe Casino, dirigé depuis 2005 par Jean-Charles Naouri, a annoncé mardi soir une bonne nouvelle pour lui, à savoir la validation de la cession, à la société d'investissement Ardian, de sa filiale dédiée à la production d'énergie renouvelable GreenYellow.

Mais cela n'a pas empêché le cours déjà historiquement bas du groupe, qui emploie plus de 200.000 personnes dans le monde, de s'affaisser un peu plus.

L'inquiétude du marché s'explique par une annonce dévoilée en parallèle par Casino qui a conclu avec Farallon Capital, un fonds d'investissement américain, une "opération de préfinancement" d'une partie du prix de cession de Greenyellow. Une sorte de prêt relais, à hauteur de 350 millions d'euros, et que le groupe dit avoir perçu mardi.

"Nous savons maintenant que Casino était sur le point de ne pas respecter ses engagements" quant à sa capacité à maîtriser son endettement, en déduit dans une note l'analyste financier spécialisé dans la distribution, Clément Genelot, de Bryan, Garnier & Co. Et ce "à rebours des tentatives des dirigeants de nous rassurer en juillet" sur ce point.

Accord "peu commun"

Selon l'analyste, Casino a dû se tourner vers cette solution, "un accord financier peu commun" dans le cadre duquel Farallon "a sans doute imposé un taux d'intérêt élevé".

Le groupe a pour obligation d'avoir une dette brute qui n'excède pas 3,5 fois son excédent brut d'exploitation (un indicateur de rentabilité), ce qui lui permet d'être en capacité de rembourser ses créanciers. Il s'est rapproché de ce seuil à fin juin, et ne pas le respecter équivaudrait pour le groupe à se retrouver en situation de défaut.

Casino assure que tout est sous contrôle: les "projections financières sont cohérentes" avec ses obligations en matière d'endettement lors des prochains trimestres, "comme cela avait été le cas pour tous les trimestres précédents", a-t-il redit jeudi à l'AFP.

Reste que le cours de Bourse du distributeur a été divisé par deux depuis le début de l'année, pour une capitalisation désormais inférieure à 1,2 milliard d'euros. Un plongeon largement supérieur aux autres entreprises du secteur, et qui fait notamment suite à un avertissement sur sa rentabilité pour l'année 2021, ainsi qu'à l'annonce du creusement de la dette nette du groupe, passée en 2021 à 5,9 milliards d'euros contre 4,6 milliards d'euros fin 2020.

Jeudi, 9,6% du capital de Casino était vendu à découvert par des acteurs pariant sur la baisse du cours à venir, un niveau élevé qui, avant juillet, était inédit depuis 2020, a indiqué jeudi S&P Global Market Intelligence à l'AFP.

Contexte inflationniste

Le groupe connaît des difficultés financières depuis plusieurs années. En 2020, le tribunal de commerce de Paris avait validé un plan de sauvegarde de la maison mère de Casino, Rallye, et de la cascade de holdings (Foncière Euris, Finatis et Euris), lourdement endettées, par lesquelles Jean-Charles Naouri contrôle le groupe.

Ce plan prévoyait un remboursement des créanciers via la remontée de dividendes de Casino, ainsi que d'importantes cessions d'actifs. La vente de Greenyellow s'inscrit dans ce cadre et doit rapporter, espère Casino, 600 millions d'euros.

Mais l'épidémie de Covid-19 a pénalisé les commerces situés en Ile-de-France, bastion de Casino via ses enseignes Franprix et Monoprix. Et en période de forte inflation, comme actuellement, les enseignes les mieux-disantes sur le prix, ou perçues comme telles par les consommateurs, conquièrent de nombreux clients, au détriment de leurs concurrentes moins bien positionnées.

Les enseignes du distributeur stéphanois, qui malgré des offres promotionnelles sur le carburant ou un assortiment de produits à prix dit "bloqué" appartiennent dans l'ensemble à cette seconde catégorie, est aujourd'hui classé 7e groupe de distribution en France par le panéliste Kantar.

Casino est derrière E.Leclerc, Carrefour, plus de 20% de parts de marché chacun, Les Mousquetaires, Système U, Auchan et Lidl.

afp/rp