Un positionnement complexe et difficile à identifier pour l’investisseur

Créée en 1969 et détenue à 53.5% par son fondateur Jean-Claude Labrune, Cegedim est essentiellement un éditeur de logiciels utilisés par les professionnels de santé et par les acteurs de l’écosystème de santé français (assureurs, hôpitaux, RH, gestion des flux dématérialisés du tiers payant…). Viennent s’ajouter les offres Cegedim RH et Cegedim e-business qui s’adressent à tous les secteurs. Différents modèles économiques coexistent, ce qui ajoute à la complexité de lecture du Groupe.

Le groupe dispose de 12 activités très diverses, réalisées à 86% en France et regroupées en deux divisions :

  • Grand Compte (assurance santé/RH et e-santé ~2/3 du CA)
  • Professionnels de santé (~1/3 du CA)

La diversité de la clientèle et la récurrence des revenus (elle serait > à 80% avec une montée en puissance du modèle de facturation SaaS) assurent une forte résilience au Groupe, même si l’arrêt pendant quelques semaines de certaines consultations de praticiens libéraux et la quasi-fermeture des pharmacies a pénalisé le groupe au printemps dernier.

Source : Société

Ce panorama d’activités, encore très diversifié et difficile à appréhender pour l’investisseur, a pourtant été déjà simplifié depuis 2015. Le besoin d’alléger un bilan endetté et de se recentrer sur certaines activités avaient en effet déclenché un certain nombre de cessions, d’abandons d’activités peu porteuses et/ou peu stratégiques. De petites acquisitions, années après années, sont venues compléter le portefeuille technologique et clients de Cegedim, dans chacune des divisions. Il faut dire que la lourdeur du bilan et les contraintes en matière de convenants bancaires ont rendu quasiment impossible toute acquisition d’envergure, la famille Labrune n’étant pas vraiment prête à se diluer compte tenu du cours de Bourse. La difficulté à intégrer les cibles a probablement joué un rôle dissuasif également.

Source : Portzamparc, Cegedim

Source : Portzamparc, Cegedim

De lourds investissements dans l’innovation années après années … pour quels fruits ?

Le haut niveau d’endettement malgré le recentrage n’a pas empêché Cegedim d’investir lourdement en interne comme l’indique ce tableau élaboré par l’analyste de Portzamparc qui a initié la valeur à l’achat fin 2020.

Source : Portzamparc, Cegedim

Ces investissements massifs dans l’innovation, en partie immobilisés, ont fortement limité la génération de trésorerie disponible pour réduire l’endettement. Ont-ils porté du fruit ? La comparaison avec son concurrent historique Pharmagest est cruelle quand on constate la différence de traduction de ces investissements dans les résultats et surtout dans le cours de Bourse de ces deux sociétés même si, il faut le reconnaitre, ne sont vraiment concurrentes que sur un peu moins d’un quart de l’activité de Cegedim.

A gauche, compte de résultat simplifié de Cegedim, à droite, celui de Pharmagest (Source Zonebourse)

Ainsi, malgré les lourds investissements dans l’innovation consentis par Cegedim, le taux de croissance et les niveaux de marges restent très limités. Et cette sous-performance, on la retrouve quand on compare Cegedim à d’autres acteurs internationaux du secteur comme CompuGroup, Nexus, Automatic Data Processing ou Allscripts Healthcare Solutions. Il n’y a guère qu’un acteur comme Computer Programs and Systems qui affiche une croissance, des niveaux de marges et une valorisation de son chiffre d’affaires aussi faible.

Car si l’on s’intéresse à la valorisation des résultats en Bourse, la comparaison avec Pharmagest est encore plus cruelle comme l’indique ce graphique comparant les deux cours de Bourse sur 10 ans.

Cegedim vs Pharmagest : le marché a fait son choix

Cegedim vs Pharmagest : le marché a fait son choix

Le constat est clair : Cegedim sous performe sur un secteur porteur malgré de lourds investissements dans l’innovation et son chiffre d’affaires est très mal valorisé en Bourse, avec un VE/CA à 1,2x contre une moyenne sectorielle à 3x (sans parler de Pharmagest valorisé…10x son CA !) d’après ces données Portzamparc :

Source : Portzamparc (nov.2020)

Un changement de statut est-il possible ?

Le passé ne plaide pas pour une évolution rapide de la croissance et de la marge. En effet, depuis des années la direction dit entrevoir une amélioration du rythme de croissance et des marges pour l’année à venir. Et pour l’instant, nous n’avons rien vu et on ne voit rien de très clair se profiler. Il faut dire que pour ce qui est des marges, les investissements dans le modèle SaaS (effet négatif dans un premier temps sur la croissance puis positif sur les marges dans la durée) et dans Maiia, concurrent du grand leader Doctolib dans la prise de rendez-vous médicaux, a pesé.

Plus récemment, alors que le groupe communiquera son CA annuel le 26 janvier prochain, ce sont les premiers effets de la crise sanitaire qui avaient pesé, avec un début rebond perceptible au 3e trimestre.

Capture d’écran de la présentation investisseurs Cegedim du 15/12/20

Pourtant, pour les amateurs d’investissement dans les sociétés décotées pouvant faire l’objet d’un retournement (value retournement), Cegedim mérite d’être regardé car la valorisation présente peu de risque à la baisse (l’activité est résiliente et les multiples de valorisation proche de leur plancher) et un potentiel de hausse non négligeable dès 2021 pour différentes raisons :

  • Rattrapage annoncé au 2e semestre 2020 après un 1er semestre touché notamment par l’arrêt des consultations, la gratuité de l’offre Maiia (offre sélectionnée début 2021 pour la plan vaccinal)
  • Reprise d’une communication volontaire de la part du management (initiations de couverture d’analystes, journée investisseurs…) avec des efforts de clarté attendus lors de la présentation des résultats annuels. Une nouvelle présentation de l’offre serait dévoilée (4 pôles seraient présentés par type de métier : Logiciel - CA 280 M€, Flux - CA 80 M€, Data/Marketing - 80 M€, BPO - CA 50 M€) ainsi que des perspectives de croissance, de marges et d’investissements.
  • Priorité à la génération de cash affichée lors de la dernière journée dédiée aux investisseurs, le 15 décembre 2020.
  • Digitalisation accélérée de l’économie de la santé avec des mesures gouvernementales fortes (Ma Santé 2022, Ségur de la Santé, développement de la télémédecine…)
  • Montée en puissance du modèle SaaS, actuellement très recherché par les investisseurs
  • Transition managériale entre le fondateur, Jean-Claude Labrune (77 ans), et son fils Laurent prévue pour la fin 2022 (statuts limitant l’âge du capitaine à 80 ans)
  • Renforcement récent et significatif de la famille au capital, son sens du timing n’étant plus à démontrer (illustration ci-dessous).

Source : Pea-Performance

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