Mais les spécialistes des marchés écartent un tel scénario, estimant que ces deux reports reflètent une démarche désormais plus sélective des investisseurs, alors que le marché des IPO a commencé l'année sur les chapeaux de roues en France.

"On ne peut pas en tirer la conclusion que le marché des IPO est en train de se refermer en France ou plus largement en Europe. L'appétit des investisseurs est toujours là", souligne Greg Revenu, directeur associé de la banque d'affaires Bryan, Garnier & Co. "Par contre, comme il y a plus d'IPO, il est vrai que les investisseurs sont plus sélectifs."

D'après les données Thomson Reuters, neuf entreprises françaises ont fait leur entrée en Bourse au cours du premier trimestre contre quatre IPO entre janvier et mars 2014 et aucune mise sur le marché au dernier trimestre 2014.

Au total, onze sociétés françaises ont pris le chemin de la Bourse depuis le début de l'année, un chiffre identique à celui de l'an dernier.

"Je reste positif pour le marché des IPO. La Bourse est prête à payer le prix pour des actifs de qualité", estime de son côté Thierry Olive, responsable mondial de l'activité ECM (equity capital markets) chez BNP Paribas.

Les mésaventures de Labco et de Solairedirect n'ont d'ailleurs pas dissuadé la société d'investissement Eurazeo de poursuivre le projet d'introduction en Bourse du loueur de véhicules Europcar dont les modalités doivent être présentées à la presse jeudi matin.

Le groupe d'ingénierie électrique Spie, contraint de suspendre son IPO à l'automne dernier, vient également de relancer son projet.

Pour expliquer sa décision de reporter sa mise sur le marché, une source proche du spécialiste aval de l'énergie solaire Solairedirect a indiqué que le groupe n'avait pas atteint le volume d'ordres souhaité, signe de la méfiance des investisseurs.

Le groupe de biologie médicale Labco a quant à lui mis en avant la volatilité des marchés pour justifier le report de son IPO.

LE PRÉTEXTE DE LA VOLATILITÉ

"La volatilité sur les marchés peut amener à des décalages ou des modifications de prix mais elle ne saurait justifier ou expliquer à elle seule le report d'une IPO", fait remarquer Greg Revenu, chez Bryan, Garnier & Co. "La volatilité est souvent mise en avant pour trouver une réponse à un échec."

Chez BNP Paribas, Thierry Olive estime lui aussi que le regain de nervosité sur les marchés européens n'a pas empêché certaines entreprises de mener à bien leur projet.

"En Europe, nous avons eu récemment des IPOs, comme Cellnex en Espagne ou Sixt Leasing en Allemagne, qui se sont très bien passées en dépit de marchés plus volatils", explique-t-il ainsi. "D'autres ont en revanche moins bien marché."

Selon les données Thomson Reuters Datastream, la volatilité de l'indice européen Stoxx 600 s'est accrue depuis le début du deuxième trimestre mais reste en deçà de la volatilité observée en tout début d'année.

Elle est en outre bien en deçà du pic enregistré au début du quatrième trimestre 2014 au cours duquel de nombreuses entreprises européennes, surtout en France, en Allemagne ou en Italie, avaient été contraintes de suspendre leurs projets d'IPO.

"Plusieurs facteurs peuvent expliquer l'échec d'une IPO. Ce peut être l'histoire de l'entreprise elle-même et ses perspectives, ce peut être les termes de l'opération, la capacité de placement du syndicat d'introduction, voire aussi les offres (d'IPO, ndlr) concurrentes au moment de l'opération", explique Greg Revenu.

La société de blanchisserie industrielle Elis, dont Eurazeo détient encore 35% du capital, a reporté son IPO avant de la relancer en début d'année. Le groupe a finalement fait ses premiers pas en Bourse en février.

(Avec Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Jean-Michel Bélot)

par Matthieu Protard