par Sui-Lee Wee et Adam Jourdan

PEKIN/SHANGAI, 10 mars (Reuters) - Le manque de transparence des autorités sur les questions environnementales est de plus en plus critiqué en Chine, des réseaux sociaux aux plus hautes sphères de l'Etat.

Le ministère de l'Environnement a récemment alimenté la polémique en refusant de communiquer à un avocat des données sur la pollution du sol vieilles de seulement deux ans en invoquant un "secret d'Etat".

Les blogueurs, les médias officiels et les délégués au Congrès national du peuple (CNP), le parlement chinois, se montraient déjà critiques envers le gouvernement pour la mauvaise qualité de l'air et de l'eau en Chine. Mais ils dénoncent désormais plus largement le déficit d'informations sur l'environnement.

Interpellées à plusieurs reprises sur ce sujet cette semaine par les délégués au CNP, les autorités commencent à reconnaître que la Chine est confrontée à un défi environnemental.

"Notre pays a obtenu des résultats économiques brillants en très peu de temps au cours des trente dernières années. Mais nous avons payé dans le même temps un prix très élevé en matière d'environnement", a admis devant la presse Xin Chunying, vice-directeur d'une commission du CNP.

"Nous devons arrêter de payer ce prix, nous devons dire non au statu quo", a-t-il dit.

Pékin ne tolère en général pas les critiques sur la gouvernance, particulièrement sur des sujets sensibles comme la corruption ou la sécurité. Mais il est difficile au gouvernement de nier la dégradation de l'environnement, et donc de museler ses détracteurs.

"TUEUR SILENCIEUX"

"La pollution est un terrain assez sûr, car il y a suffisamment d'éléments concrets pour critiquer le gouvernement et il est assez facile d'obtenir le soutien de l'opinion publique dans la mesure où tout le monde respire le même air", souligne Gary Liu, professeur à la China Europe International Business School de Shanghai.

La pollution de l'air a largement dépassé les niveaux autorisés en janvier à Pékin, mais selon l'avocat Dong Zhengwei, c'est la pollution du sol qui constitue le plus grand "tueur silencieux" du pays.

Environ 40% des terres agricoles sont irriguées grâce à l'eau des nappes phréatiques, elle-même polluée à 90%, selon Liu Xin, membre d'une commission parlementaire cité par un journal local.

Or le ministère de l'Environnement refuse de rendre public les résultats des prélèvements effectués dans le cadre d'une enquête nationale entre 2006 et 2010.

La pression de l'opinion publique a néanmoins contraint les autorités à davantage de transparence ces dernières semaines. En janvier, elles ont ainsi communiqué le nombre de microparticules présentes dans l'air de la capitale et le mois dernier, elles ont reconnu pour la première fois que le taux de cancer était plus élevé dans les villages proches des usines et des rivières polluées.

Des premiers pas timides, qui préfigurent sans doute le défi qui attend le nouveau président chinois, Xi Jinping, qui prendra ses fonctions à la fin de la session parlementaire et devra trouver un équilibre entre croissance économique et protection de l'environnement.

(Tangi Salaün pour le service français)