Les groupes français sont les leaders dans l’industrie du luxe avec LVMH, Hermès et Kering. Cependant, la Suisse n'est pas en reste et Richemont est le grand représentant helvétique dans l'horlogerie et la joaillerie. En tout, le groupe dispose de 27 maisons. 

Les maisons de Richemont (source : Richemont) 

Parmi elles, on ne retrouve que trois bijoutiers, Buccellati, Cartier et Van Cleef & Arpels, mais qui sont les moteurs de Richemont puisqu’ils représentent 50% des ventes. L’horlogerie, deuxième métier du groupe, compte pour 35% des revenus avec les maisons Piaget, Vacheron Constantin, Jaeger Lecoultre, A. Lange & Söhne, Roger Dubuis, Panerai, IWC Schaffhausen et Baume & Mercier. Le reste des ventes est complété par des marques de mode et d’accessoires haut de gamme, à l’image de Mont Blanc, Chloé ou Dunhill.

Richemont dispose de plusieurs marques très anciennes, réputées pour leurs savoir-faire et leurs histoires (source : Richemont)

Tout comme ses concurrents français, Richemont est un groupe très internationalisé. L'Asie représente une part importante de ses revenus (40%, hors Japon), suivie des régions des Amériques et de l'Europe, qui contribuent chacune à hauteur de 22%. Le Japon représente 8% du chiffre d’affaires, tout comme la région incluant le Moyen-Orient et l'Afrique. 

Actuellement, la société utilise principalement deux canaux de distribution majeurs.  Premièrement, le retail (ventes directement auprès des consommateurs) s’accapare 68% des ventes via un large réseau de 2 341 boutiques à travers le monde (1 286 détenues en propre, le reste en franchise). Deuxièmement, les ventes de gros - wholesales - auprès de détaillants revendeurs, essentiellement des grands magasins, contribuent à hauteur de 26% des revenus. 

Les ventes en ligne, pour leur part, ne représentent actuellement que 6% du chiffre d'affaires. Ce n'est pas faute d'avoir cherché à faire mieux, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Richemont a voulu accélérer en investissant dans  la société italienne YNAP, puis en la rachetant en 2018 sur la base d'un prix de 3,6 Mds€. Malheureusement, en dépit de tentatives de co-développement avec des poids lourds, dont Alibaba, la division n'a jamais gagné d'argent. Richemont s'est résolu à en céder le contrôle au leader du secteur, Farfetch, en 2022, en subissant au passage une dépréciation de 2,7 Mds€. Le Suisse reste toutefois co-actionnaire minoritaire, ce qui illustre son engagement à rester actif dans la vente en ligne. Johann Rupert, fils du fondateur et président du conseil d’administration, le confirme quand il explique : “Tout le monde se concentre sur les coûts du commerce en ligne. Ils oublient que nous dépensons environ un milliard d'euros par an en baux ou en loyers. Je préférerais déplacer un plus grand pourcentage des ventes en ligne au lieu d'avoir des baux fixes. Plus nous vendons en ligne, moins nous avons besoin de boutiques partout.”

En ce qui concerne les performances financières, la société a clôturé l'exercice 2023 (décalé à fin mars) avec un chiffre d'affaires frôlant les 20 milliards d'euros, établissant ainsi un record. Le marge nette est ressortie exceptionnellement basse compte tenu d’un important coût correctif lié à l’opération avec Farfetch. Malgré cela, les marges n'ont pas connu de progression et ont même diminué : alors qu'elles étaient nettement supérieures à 10% entre 2014 et 2019, la marge nette actuelle tente tout juste de se maintenir au-dessus de la barre symbolique des deux chiffres. Notons qu’elles sont aussi depuis 2020 bien inférieures à celles du trio français. Cela justifie une valorisation inférieure à LVMH et Hermès. Quant à Kering, la situation est particulière puisque les investisseurs attendent toujours d’avoir de la visibilité sur le retour à la performance de Gucci, la locomotive du groupe de la famille Pinault. 

Ces éléments, combinés aux préférences des investisseurs pour les poids lourds que sont LVMH et Hermès, montrent que Richemont et Kering ont nettement sous-performé, même s'ils ont affiché de bonnes performances par rapport aux indices. 

Richemont bénéficie d'un portefeuille de marques remarquables. La société doit maintenant retrouver ses niveaux de rentabilité connus dans le passé pour rivaliser avec les acteurs en tête de course. Ses ambitions dans le domaine du commerce en ligne sont prometteuses et ouvrent de nouvelles perspectives pour la commercialisation des produits à moindre coût par rapport aux magasins physiques.

Le quatuor du luxe depuis le 1er janvier 2018 (source : ZoneBourse)