Acquéreur en série concentré sur le segment des VMS ("vertical market software", c'est-à-dire des logiciels spécialisés pour un métier ou un secteur en particulier, généralement conçus sur mesure par de petites équipes de développeur) Constellation a délivré une ébouriffante création de valeur sur les deux dernières décennies.

Le secret de cette réussite découle très largement de l'inspiration que Mark Leonard a puisé chez Berkshire Hathaway. On y retrouve les mêmes ingrédients : stratégie d'acquisition à bas prix, structure de coûts de la holding réduite au strict minimum, parfait alignement des intérêts entre les dirigeants et les actionnaires, etc.

La croissance organique est historiquement faible, voire négative, mais c'est sur la croissance externe que Constellation épate : sur les quinze dernières années, après avoir déjà atteint une certaine masse critique donc, le groupe est parvenu à croître ses profits cash — ou "free cash-flows" — à une moyenne annuelle de 25%. 

Ceci sans dette ni augmentation de capital, mais simplement en réinvestissant ses cash-flows. Complètement autofinancée, la performance est donc spectaculaire et aucun comparable ne vient à l'esprit, y compris parmi les autres "serial acquirers" à succès comme Descartes, Vitec ou Roper Technologies. 

L'exercice fiscal 2022 reste fidèle à cet historique sans tâche, avec un chiffre d'affaires en hausse de 30%. $1.9 milliards ont été investis en acquisitions, paiements différés inclus, pour ajouter $1.5 milliard de chiffre d'affaires, soit un multiple d'acquisition de x1.2 les revenus — sur un marché où l'on voit fréquemment des éditeurs de logiciels s'échanger entre x10 et x20 leurs revenus.

Rapporté au profil de marge nette historique de Constellation, ce $1.5 milliard de chiffre d'affaires supplémentaire devrait se traduire par un profit cash additionnel compris entre $300 et $350 millions : on orbite donc ici autour de très satisfaisants retours sur investissement dans la fourchette des 15%-20%.

A noter cependant que, pour la première fois de son histoire, le profit cash consolidé diminue par rapport à l'exercice précédent. Deux raisons à cela : un effet de fonds de roulement — au sujet duquel le management ne manifeste aucune inquiétude — et un gain exceptionnel l'an passé, lié à la conversion des actions préférentielles de Topicus. 

L'exercice 2023 verra Constellation évoluer avec un périmètre sensiblement différent suite aux deux spin-offs de Topicus — la tête de pont du conglomérat en Europe, où il entend reproduire sa profitable stratégie de croissance externe sur un marché fragmenté — et de Lumine il y a quelques jours.