PARIS, 3 mai (Reuters) - La France a conclu avec l'Egypte un accord portant sur l'achat de trente avions de combat Rafale fabriqués par Dassault pour un montant de 3,75 milliards d'euros, rapporte lundi le site d'investigation Disclose https://disclose.ngo/fr/article/la-france-signe-en-secret-la-vente-de-rafale-a-legypte, citant des documents confidentiels.

"Paris et Le Caire ont signé fin avril un méga-contrat portant sur l’achat de trente avions de chasse", écrit Disclose, ajoutant que l'accord financier lié à ce contrat pourrait être paraphé dès mardi par une délégation égyptienne attendue dans la capitale française.

"Des discussions très avancées ont en effet lieu avec l'Egypte et des annonces pourraient intervenir très prochainement", a déclaré une source gouvernementale française en réponse à l'article, sans fournir plus de détails.

En décembre dernier, lors d'une visite à Paris du président égyptien Abdel Fattah al Sissi, Emmanuel Macron s'était refusé à conditionner aux droits de l'homme la coopération en matière de défense entre la France et l'Egypte, estimant qu'une telle politique affaiblirait Le Caire dans la lutte contre le terrorisme.

Selon Disclose, l'accord d'armement conclu entre Paris et Le Caire concerne également deux autres contrats représentant un marché à 200 millions d'euros au profit du missilier MBDA et de l'équipementier Safran Electronics & Defense, l'une des sociétés du groupe Safran.

"Une semaine après cette signature, la transaction est entrée dans sa phase finale. Dans les prochaines heures, une délégation d’officiels égyptiens doit atterrir à Paris avant d’être reçue à Bercy pour parapher, mardi 4 mai, l’accord financier lié au méga-contrat, le premier depuis la vente, en 2015, d’un lot de vingt-quatre Rafale", ajoute Disclose.

La France a été le principal fournisseur d'armements de l'Egypte entre 2013 et 2017. Par la suite, plusieurs contrats portant notamment sur l'achat de Rafale et de navires de guerre n'ont pas vu le jour, essentiellement pour des raisons financières d'après des sources diplomatiques.

Selon Disclose, l'Etat égyptien a obtenu un prêt garanti par la France à hauteur de 85% pour le "méga-contrat" conclu fin avril. "Autrement dit, le Trésor public s’est porté caution auprès de plusieurs établissements bancaires français – le Crédit agricole, la Société générale, la BNP et le CIC – pour permettre au maréchal Sissi de conclure le transfert d’armement", rapporte le site et ONG d'investigation.

Préoccupées par le vide sécuritaire et politique en Libye, par la menace également représentée par des groupes djihadistes en Egypte, la France et l'Egypte entretiennent des relations économiques et militaires étroites depuis l'ascension au pouvoir d'Abdel Fattal al Sissi, président depuis 2014.

Les organisations de défense des droits accusent Paris de fermer les yeux sur la répression de toute dissidence en Egypte, des accusations rejetées par les autorités qui défendent une politique consistant à ne pas critiquer ouvertement les pays sur les droits de l'homme afin d'être plus efficaces en privé, au cas par cas.

"En passant un méga-contrat d'armement avec le gouvernement de Sissi alors que ce dernier préside à la pire répression depuis des décennies en Egypte, à l’éradication de la communauté de la défense des droits humains dans le pays, à des violations extrêmement graves sous prétexte de lutte antiterroriste, la France ne fait qu’encourager cette répression impitoyable et se rend complice de ces abus", a déclaré à Reuters la directrice de Human Rights Watch en France, Bénédicte Jeannerod. (John Irish, version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Jean-Michel Bélot)