UniCredit, Banco BPM et l’enjeu stratégique
Après avoir renforcé sa position au sein de la banque allemande Commerzbank, UniCredit a surpris le marché en lançant une offre hostile pour racheter Banco BPM. Cette acquisition, si elle se concrétise, ferait d’UniCredit la plus grande banque italienne, surpassant Intesa Sanpaolo, tout en consolidant sa présence à Milan, un centre financier et économique clé.
Cette offre a également perturbé les plans du gouvernement italien, qui privilégiait une fusion entre Banco BPM et Banca Monte dei Paschi di Siena (MPS) pour stabiliser le secteur bancaire italien. Selon des sources de Reuters, face à cette situation, Crédit Agricole aurait reçu un soutien informel du Conseil italien pour augmenter sa participation dans Banco BPM.
Pourquoi Banco BPM est cruciale pour le Crédit Agricole
Pour comprendre l’importance de Banco BPM pour le Crédit Agricole, il faut revenir sur l’histoire de leur partenariat. Présente en Italie depuis 1972, la banque française a progressivement renforcé ses activités dans la péninsule, adoptant une approche transparente et coopérative avec le gouvernement italien.
En 1987, le Crédit Agricole fusionne sa filiale italienne avec Ducato pour créer Agos, une société spécialisée dans le crédit à la consommation. En 2018, Banco BPM entre au capital d’Agos en détenant 31 %, contre 69 % pour le Crédit Agricole, créant une alliance stratégique. Ce partenariat permet à BPM de distribuer les produits du Crédit Agricole via Agos, renforçant leurs liens.
En 2022, Crédit Agricole devient le principal actionnaire de Banco BPM en acquérant 9,18 % de son capital. Cette alliance stratégique de longue date explique l’opposition de Crédit Agricole à l’offre agressive d’UniCredit, qui menace de déstabiliser cet équilibre.
Une proposition qui bouleverse les alliances
L’offre d’UniCredit complique la situation pour le Crédit Agricole à plusieurs niveaux. D’abord, son agressivité et son caractère surprenant empiètent sur le partenariat historique entre Banco BPM et la banque française. De plus, Crédit Agricole entretient un contrat de distribution d’actifs avec UniCredit via sa filiale Amundi, un partenariat en vigueur jusqu’en 2027.
Si UniCredit absorbe Banco BPM, cela pourrait affaiblir la position de Crédit Agricole sur le marché italien et rendre le renouvellement du contrat Amundi moins avantageux. Pour préserver ses intérêts, Crédit Agricole a augmenté sa participation dans Banco BPM, passant de 9,9 % à 15,1 %, et a demandé l’autorisation de la BCE pour monter jusqu’à 19,99 %.
En parallèle, Banco BPM est engagée dans un rachat de sa compatriote Anima, un gestionnaire d'actifs affichant 205 milliards d'euros d'encours d'actifs sous gestion. Une transaction qui plaît à Unicredit, mais qui complexifie encore les liens entre les trois principaux protagonistes.
Et maintenant ?
Le conseil d'administration de Banco BPM a d'ores et déjà repoussé l'offre d'Unicredit, jugée hostile et trop faible. De son côté, le Crédit Agricole a poussé ses pions avec pragmatisme : le groupe bancaire français a certes demandé à pouvoir monter à près de 20% du capital de Banco BPM, mais il aussi indiqué ne pas avoir l'intention de lancer une OPA sur son partenaire, en tout cas à ce stade. On se souvient qu'il y a quatre ans, des rumeurs de mariage entre Crédit Agricole et Banco BPM avaient déjà circulé. Mais sans suite concrète.
Ce nouvel épisode dans la consolidation du secteur financier européen intervient à l'heure où d'autres opérations sont en train de se dessiner. Si Amundi et Allianz GI ont échoué à s'entendre, une opération entre Generali et Natixis IM est toujours dans les tuyaux... Manifestement, les amours franco-italiennes sont à la mode.