ZURICH (Reuters) - L'horloge tourne pour les dirigeants de Credit Suisse, sous pression pour proposer un plan de réorganisation de la banque suisse en difficulté, qui pourrait aller jusqu'à envisager une éventuelle fusion avec sa concurrente UBS, selon trois personnes au fait de ces réflexions.

Les instances dirigeantes de la banque doivent se réunir la semaine prochaine, a précisé l'une d'elles, tandis qu'une autre personne a souligné qu'elles souhaitaient passer en revue les options de restructuration début juillet.

"Credit Suisse a besoin d'un accord de fusion tout de suite", a déclaré une source à Reuters. "A Zurich, on s'inquiète de plus en plus de voir des investisseurs activistes s'attaquer à eux s'ils ne font rien."

Au premier trimestre, la banque suisse, déjà fragilisée par les lourdes pertes (plus de cinq milliards de dollars, soit 4,1 milliards d'euros) consécutives à l'effondrement du fonds d'investissement américain Archego, a également suspendu des fonds en lien avec ses opérations avec Greensill Capital. Après la faillite de cette société britannique de services financiers, plusieurs investisseurs ont engagé des poursuites judiciaires contre Credit Suisse.

L'établissement est également dans le viseur de la FINMA, l'autorité de tutelle du secteur financier suisse, qui enquête sur d'éventuelles lacunes dans la gestion du risque.

Avec ces déboires, la banque suisse, dont la direction a été remaniée, a vu le cours de son titre perdre plus du quart de sa valeur depuis début mars. Le nouveau président du conseil d'administration, Antonio Horta-Osorio, élu le 30 avril dernier, a immédiatement lancé une revue stratégique, en précisant aux investisseurs qu'il prendrait son temps pour prendre les décisions difficiles qui l'attendaient.

PAS DE DÉCISION POUR L'INSTANT

Selon deux sources, les dirigeants de Credit Suisse ont notamment évoqué l'option d'une scission de la banque locale en Suisse afin de préparer le reste du groupe en vue d'une fusion, de même que l'éventualité d'une réduction de voilure dans la banque d'investissement et celle d'une cession de l'activité de gestion d'actifs.

Une troisième source a précisé que l'hypothèse d'une cession de la banque d'investissement aux Etats-Unis était également sur la table.

Ces sources ont cependant précisé que si la discussion des instances dirigeantes sur la restructuration de Credit Suisse bat son plein, elle en est encore aux stades préliminaires et aucune décision n'a encore été prise.

Credit Suisse et UBS n'ont souhaité faire aucun commentaire à ce sujet.

Alors que l'implantation de la banque auprès de ses clients et en Suisse est au plus bas, la direction doit métamorphoser Credit Suisse, d'autant que la dégringolade de sa valeur boursière en fait une proie facile pour une offre hostile étrangère, par exemple par certaines des grosses banques américaines, citées comme acquéreurs potentiels.

Mais une telle prise de contrôle serait mal accueillie en Suisse, où le monde de la finance a dû renoncer au secret bancaire sous la pression des Etats-Unis.

"DISPARAÎTRE DANS DES MAINS ÉTRANGÈRES"

La perspective d'une fusion avec UBS serait bien plus acceptable, selon les sources.

"L'establishment suisse est conscient que sans une fusion locale, Credit Suisse disparaîtra dans des mains étrangères", a déclaré l'une de sources.

Mais une entité combinant Credit Suisse et UBS occuperait une position dominante sur le marché suisse, un problème pour les autorités de la concurrence et les régulateurs qui pourraient également demander un renforcement des fonds propres d'une telle structure.

Selon une source, Credit Suisse pourrait se séparer de ses activités de banque locale pour éviter que l'éventuel futur groupe se retrouve en position dominante dans la Confédération.

Le résultat d'un rapprochement Credit Suisse-UBS serait valorisé à plus de 85 milliards de dollars et compterait plus de 110.000 salariés.

Interrogé début mai sur CNBC au sujet d'une éventuelle fusion avec Credit Suisse, le directeur général d'UBS Ralph Hamers a douché les espoirs à ce sujet, en précisant qu'il préférait une "croissance organique".

La moindre opération de fusion-acquisition pour Credit Suisse marquerait la fin d'un symbole national qui a été au coeur de la transformation de la Suisse en centre de la finance mondiale.

La Confédération pourrait donc préférer une solution locale afin d'éviter que le contrôle effectif d'un établissement issu d'une fusion ne passe dans un autre pays.

Selon une autre source, ce sont de telles préoccupations qui ont fait échouer des discussions entre UBS et l'allemande Deutsche Bank en 2019. Mais aucune des deux banques n'a voulu commenter cette information.

Si le président du directoire de Deutsche Bank, Christian Sewing, a fait part en début d'année de sa volonté d'être au coeur de la consolidation du secteur bancaire européen, bon nombre de sources de Reuters ont jugé peu probable l'éventualité d'un accord entre Deutsche Bank et Credit Suisse.

(Reportage Pamela Barbaglia à Londres, John O'Donnell à Francfort, Brenna Hughes Neghaiwi à Zurich, avec la contribution d'Oliver Hirt à Zurich, Patricia Uhlig et Tom Sims à Francfort, Lauren LaCapra à New York ; rédigé par John O'Donnell; version française Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)

par Pamela Barbaglia, John O'Donnell et Brenna Hughes Neghaiwi