Zurich (awp) - A l'image d'UBS, les origines de Credit Suisse remontent elles aussi à l'aube de l'industrialisation de la Suisse. Pour financer l'expansion du chemin de fer, l'homme d'affaires et politicien Alfred Escher fonde le 5 juillet 1856 la Schweizerische Kreditanstalt (SKA).

 

Fils d'une influente famille zurichoise, Alfred Escher a fondé quelques années avant l'ancêtre de Credit Suisse la compagnie des Chemins de fer du Nord-Est, après avoir oeuvré à l'adoption de la législation ferroviaire suisse. L'objectif premier de la SKA consiste à financer l'expansion du réseau ferroviaire helvétique.

 

L'établissement devient rapidement la première banque commerciale de Suisse. En 1870, il s'installe à New York. Il faut attendre 35 ans pour que l'institut zurichois ouvre une première succursale en dehors du canton de Zurich, à Bâle, après s'être emparé de la Oberrheinische Bank.

 

L'institut de la Paradeplatz poursuit l'extension de son réseau de succursales en Suisse. En 1939, SKA crée aux Etats-Unis la société Swiss American Corporation et l'année suivant sa première agence outre-Atlantique.

 

Scandale de Chiasso

 

Dès ce moment, l'établissement entame une longue phase de croissance et de développement de ses affaires à travers le monde, sans oublier la Suisse. SKA franchit un nouveau pas majeur en 1976 en fusionnant avec la Schweizerische Bodenkreditanstalt, le Crédit Foncier Suisse, dans lequel l'ancêtre de Credit Suisse détient depuis 1903 une part de 28%.

 

L'opération lui donne accès au marché de détail, notamment les crédits hypothécaires. Mais l'année suivante, SKA se voit rattrapée par le scandale de Chiasso, né de la création au Liechtenstein dans les années 1960 par trois cadres de la banque au Tessin d'une société écran hors bilan  - à l'insu de la direction. La firme, Texon, recycle de l'argent venu d'Italie.

 

La succursale de Chiasso réalise des affaires très florissantes, suscitant aussi l'attention, puis la suspicion des concurrents. Mais les premières alertes, en particulier une irrégularité fiscale en 1968, ne sont pas entendues, la filiale tessinoise se révélant très performante.

 

Le pot au rose est découvert en 1977 et laisse une perte de 2,2 milliards de francs suisses, la plus grosse jamais subie par la SKA. Démissions, procès et condamnations s'en suivent.

 

Déjà une intervention de la BNS

 

La Banque nationale suisse (BNS) doit aussi sortir du bois, accordant à la banque un crédit relais de 3 milliards de francs suisses. Mais la réputation de la SKA est atteinte. L'affaire entraînera un changement de culture et une surveillance accrue.

 

La SKA n'en poursuit pas moins le développement de ses affaires, en particulier aux Etats-Unis. Elle prend en 1988 une importante participation dans la banque d'affaires First Boston, laquelle fusionne ensuite avec leur entreprise commune depuis 1978 Credit Suisse-First Boston.

 

L'établissement devient en 1989 une société holding, Credit Suisse Holding. La décennie suivante est marquée par de nombreuses acquisitions, portant sa part dans First Boston à 60%, s'emparant de la Banque Leu, puis le numéro quatre de l'époque, la Banque Populaire Suisse en 1993 et le Neue Aargauische Bank.

 

En 1997, Credit Suisse Holding (CS Holding) devient Credit Suisse Group et fusionne avec l'assureur Winthertur, revendu en 2006, le concept de bancassurance étant prisé dans les milieux financiers.

 

Le temps des amendes

 

D'autres rachats ponctuent la fin des années 1990, dont Banco Garantia au Brésil, puis en 2000, la banque d'affaires américaine Donaldson, Lufkin & Jenrette (DLJ) pour 12,8 milliards de dollars.

 

Egalement touché par la crise des subprime en 2008, Credit Suisse parvient à s'en sortir bien plus avantageusement qu'UBS, sans aide de l'Etat. Mais la crise laisse pour longtemps des traces, l'établissement peinant à obtenir des résultats dans le ravalement de ses activité dans la banque d'affaires.

 

En mai 2014, Credit Suisse écope d'une amende de 2,6 milliards de dollars pour avoir aidé des ressortissants à cacher des avoirs aux autorités fiscales. Et 5,28 milliards viennent s'ajouter deux ans plus tard pour solder la crise des surprîmes, puis encore 400 millions en 2017.

 

La succession de revers se poursuit après l'affaire en 2019 de la filature du banquier star Iqbal Khan, passé depuis chez UBS. Eclaboussé, le directeur général Tidjane Thiam, arrivé en 2015 pour redresser la barre, s'en va en 2020.

 

Réputation mise à mal

 

Successeur du Franco-Ivoirien, Thomas Gottstein est confronté coup sur coup aux débâcles des fonds liés à Greensill et de la société d'investissement Archegos. La banque doit rembourser 10 milliards de dollars investis dans les premiers et le fiasco du second lui coûte 5 milliards.

 

L'établissement, de plus en plus touché dans sa réputation, voit sa situation financière encore fragilisée par des déboires judiciaires, alors qu'une enquêtes affirme que Credit Suisse a pendant plusieurs décennies hébergé des fonds de clients comptant autocrates, trafiquants et criminels de guerre présumés.

 

Thomas Gottstein jette l'éponge en juillet dernier et est remplacé par Ulrich Körner. Du côté du conseil d'administration Urs Rohner, indéboulonnable président de 2011 à mai 2021, voit le Portugais Antonio Horta-Osorio lui succéder brièvement. Ce dernier doit lâcher la présidence après huit mois, ayant contrevenu aux règles de quarantaines mises en place pour lutter contre le coronavirus.

 

Axel Lehmann est formellement élu à la tête du conseil d'administration fin avril 2022. Mais le numéro deux bancaire helvétique essuie une perte nette de 7,29 milliards de francs suisses, le plus important débours depuis la crise financière de 2008, et après avoir déjà inscrit un résultat net négatif de 1,65 milliard en 2021.

 

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