Bombay (awp/afp) - Les échanges de titres de plusieurs entreprises du conglomérat du magnat indien Gautam Adani ont été suspendus jeudi après leur chute dès l'ouverture de la Bourse de Bombay. La dégringolade fait suite à l'annulation de la vente d'actions de plusieurs milliards de dollars.

Le titre d'Adani Enterprises, fleuron du conglomérat, a chuté de 10% à l'ouverture des échanges, selon les données de la Bourse de Bombay, déclenchant l'arrêt automatique des transactions. Adani Green Energy, Adani Ports, Adani Total Gas dont le géant français TotalEnergies détient 37,4%, et Adani Transmission ont également été freinés après avoir également subi une chute de 10%, tandis qu'Adani Wilmar plongeait de 5%.

La déroute des titres du conglomérat d'Adani pour le sixième jour consécutif fait suite aux accusations de fraude comptable de la société d'investissements américaine Hindenburg Research la semaine dernière. Selon l'agence Bloomberg, cette affaire a fait perdre 104 milliards de dollars de la valeur des entreprises cotées du conglomérat, et la fortune personnelle d'Adani a fondu de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

M. Adani a en conséquence perdu son titre d'homme le plus riche d'Asie et se place à présent derrière son compatriote Mukesh Ambani.

"Fondamentaux solides"

Le groupe a annulé son offre publique de suivi (FPO) de 2,5 milliards de dollars d'actions d'Adani Enterprises qui avait été sursouscrite mercredi, le magnat en difficulté ayant considéré qu'il ne serait pas "moralement correct" de poursuivre l'opération. M. Adani a insisté en personne dans une vidéo diffusée jeudi que les "fondamentaux de notre entreprise sont très solides, notre bilan est sain et nos actifs robustes".

Le conseil d'administration du groupe avait auparavant expliqué dans un communiqué avoir "décidé, dans l'intérêt des souscripteurs, de ne pas procéder" au FPO, annonçant que les souscripteurs seraient remboursés. Parmi les souscripteurs du FPO se trouvaient notamment les magnats Sajjan Jindal et Sunil Mittal, a rapporté Bloomberg News, citant des sources ayant requis l'anonymat.

Mercredi, le titre de Adani Enterprises avait dévissé de 28,45% à 2.128,70 roupies (26 dollars) mercredi à la clôture de la Bourse. Selon l'agence Bloomberg, ce plongeon serait lié à une information selon laquelle le groupe bancaire Credit Suisse avait cessé d'accepter les obligations du conglomérat Adani comme garantie collatérale pour les prêts sur marge accordés à ses clients de la banque privée.

Interrogé par l'AFP, Credit Suisse n'a pas souhaité faire de commentaires. Le conglomérat de M. Adani subit durement les accusations d'Hindenburg Research publiées faisant état d'une "manipulation éhontée des actions et d'un système de fraude comptable sur plusieurs décennies".

Attaque "malveillante"

Le conglomérat y avait réagi dimanche en se disant victime d'une attaque "malveillante" visant à salir sa réputation et a surnommé Hindenburg Research le "Madoff de Manhattan", en référence à l'homme d'affaires américain véreux Bernard Madoff. "Ce n'est pas seulement une attaque injustifiée contre une entreprise spécifique, mais une attaque calculée contre l'Inde, l'indépendance, l'intégrité et la qualité des institutions indiennes, ainsi que l'histoire de la croissance et l'ambition de l'Inde", a-t-il répliqué dans une longue déclaration qui semble ne pas avoir convaincu les investisseurs.

M. Adani, 60 ans, a vu son empire se développer à vitesse grand V, le cours d'Adani Enterprises s'étant envolé de plus de 1.000% ces cinq dernières années. Le magnat a fait fortune dans les ports et le commerce des matières premières. Il dirige aujourd'hui le troisième plus grand conglomérat de l'Inde avec des intérêts allant de l'exploitation du charbon et des huiles comestibles, aux aéroports et aux médias.

Ses détracteurs estiment que la proximité de Gautam Adani et du Premier ministre Narendra Modi, tous deux originaires de l'État du Gujarat, a aidé le magnat à remporter des marchés et à éviter une surveillance réglementaire appropriée. M. Modi n'a pas fait de commentaires publics depuis la publication du rapport Hindenburg, ce qui, selon les analystes, a nui à l'image de l'Inde auprès des investisseurs étrangers.

Le parti d'opposition indien, le Congrès, a appelé cette semaine à une "enquête sérieuse" de la banque centrale et du régulateur sur les entreprises d'Adani à la suite des accusations de Hindenburg Research. "Avec toutes ses prises de position sur l'argent sale, le gouvernement Modi a-t-il choisi de fermer les yeux sur les activités illicites de son groupe d'affaires favori ?", a interrogé le Congrès.

afp/vj