Paris (awp/afp) - Les cours des banques européennes ont cédé mercredi à un mouvement de panique et subi de lourdes pertes en Bourse, ébranlés par Credit Suisse dans un marché déjà les nerfs à vif quelques jours après la faillite de trois banques américaines.

D'où part l'étincelle ?

Une première "déclaration maladroite" a mis le feu aux poudres, explique à l'AFP le directeur des investissements d'Axiom Alternative Investments David Benamou, "dans un contexte déjà très tendu".

Ammar al-Khudairy, le président la Banque nationale saoudienne, premier actionnaire de Credit Suisse, a expliqué au micro de Bloomberg TV qu'il ne comptait "absolument pas" augmenter sa participation dans la banque.

Ces propos entendus par les marchés comme une absence de soutien à un acteur bancaire déjà en difficulté arrivent après "une série de mauvaises nouvelles" pour Credit Suisse, observe Guillaume Larmaraud, associé chez Colombus Consulting.

Ils ont logiquement précipité le titre vers les abîmes (jusqu'à -30% en séance mercredi, -24% à la clôture).

Credit Suisse "est un sujet d'inquiétude bien plus grand pour l'économie mondiale que les banques régionales américaines", explique dans une note l'analyste de Capital Economics Andrew Kenningham.

La deuxième banque suisse "est bien plus interconnectée" à la finance internationale, complète-t-il.

Eclaboussée par une série de scandales, la banque a par ailleurs reconnu mardi des "faiblesses substantielles" dans ses contrôles internes, suscitant l'agacement d'investisseurs qui s'impatientent de voir la banque remettre "sa maison en ordre".

Est-ce un mouvement de panique ?

Les ventes importantes mercredi proviennent "probablement d'investisseurs nord-américains qui ont souhaité sortir par prudence du système bancaire européen", estime M. Benamou.

La faillite en quelques heures de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB) la semaine dernière a jeté outre-Atlantique un froid sur tout un secteur.

"Tout le monde a le souvenir de la crise de 2008, celui du risque systémique et de la contagion bancaire qui s'est produite à l'époque", reprend le responsable d'Axiom. "C'est très frais dans les esprits et ça crée des réflexes" de prudence chez les investisseurs.

L'ampleur du désastre mercredi (-10% pour BNP Paribas, -12% pour Société Générale, -9% pour Unicredit...) est aussi le fruit d'un mouvement de panique, déjà vu sur les marchés financiers.

"On assiste à une correction en Bourse après plusieurs mois de hausse, un mécanisme finalement assez classique", fait remarquer Eric Pichet, économiste et professeur à l'école de commerce Kedge Business school.

L'action BNP Paribas repassait par exemple mercredi juste en dessous de son cours du 1er janvier.

"Le plus important pour le secteur bancaire c'est la confiance. Quand celle-ci s'érode commencent des mouvements de panique", note de son côté le gérant chez Tikehau Capital Thibault Douard, interrogé par l'AFP.

A qui le tour ?

"Lorsqu'une partie du système financier entre en crise, il est normal qu'il y ait un certain risque de contagion de l'ensemble du système, car les investisseurs ont tendance à se demander: +qui est le prochain?+", s'interroge le président du conseil d'administration de Société Générale Lorenzo Bini Smaghi dans un entretien au quotidien économique allemand Börsen Zeitung mis en ligne mardi en fin de journée.

Les analystes interrogés se veulent rassurants et écartent catégoriquement tout risque de contagion entre banques, au-delà du strict sujet du cours de Bourse.

Credit Suisse "n'est pas une banque au bord de la faillite, loin de là", affirme Guillaume Larmaraud.

"Je crois vraiment que les Européens ont tiré toutes les leçons de la crise financière de 2008 pour renforcer la protection du système bancaire" européen, expliquait mardi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire devant les députés français.

Depuis la crise financière de 2008, les grandes banques européennes ont dû renforcer leurs niveaux minimum de capitaux afin d'éponger d'éventuelles pertes.

L'Autorité bancaire européenne soumet aussi cinquante grandes banques du continent à des tests de résistance et un fonds de résolution, abondé par les banques elles-mêmes, a été mis en place pour pallier toute défaillance du secteur.

afp/rp