Lundi, déjà, le cours de Bourse du géant des mines et du négoce Glencore a chuté de près de 30% sur la journée en raison des inquiétudes liées à sa dette. Mardi, le titre regagnait un peu de terrain (+3,76% à la mi-journée), un analyste ayant envisagé une sortie pure et simple de la Bourse.

Glencore est victime des mêmes maux que ceux qu'affrontent les autres grands noms du secteur minier : la baisse prolongée des cours des métaux, liée entre autres au ralentissement économique en Chine, premier consommateur mondial.

Les prix de l'énergie et de nombreuses autres matières baissent depuis des mois, principalement parce que leur production n'a cessé d'augmenter après de lourds investissements engagés en période de cours élevés, alors que la demande s'est orientée à la baisse.

Les résultats semestriels publiés mardi par Louis Dreyfus Commodities sont ainsi marqués par une chute de moitié des profits du groupe.

Le secteur du transport maritime, lui, subit le contrecoup de cette tendance. L'armateur spécialisé dans le transport de vrac Daiichi Chuo Kisen Kaisha s'est placé mardi sous la protection de la loi sur les faillites.

L'ASIE EN PREMIÈRE LIGNE

A la Bourse de Londres, l'action Glencore, malgré son rebond de mardi, accuse encore une baisse de plus de 80% depuis sa mise sur le marché en 2011, année du dernier pic du marché des matières premières.

Sa capitalisation boursière est brièvement tombée lundi pour la première fois sous 10 milliards de livres (13,5 milliards d'euros).

La banque Citigroup a néanmoins jugé mardi que le groupe offrait aujourd'hui des perspectives de valorisation et l'a recommandé à l'achat, expliquant que ses actionnaires pourraient opter pour une sortie de la Bourse.

D'autres analystes sont plus prudents et préfèrent rester à l'écart du secteur des matières premières.

"Il est difficile de trouver des arguments justifiant l'achat d'actions du secteur des matières premières en général avec le climat actuel sur la Chine et la montée de la volatilité des marchés", explique Gerren O'Neill, trader senior de Thames Capital Markets.

A Singapour, Noble Group, un négociant qui réalise la majeure partie de ses activités en Asie, a chuté de 10,1% mardi, retombant non loin des plus bas atteints pendant la crise financière de 2008 et ramenant sa capitalisation à moins de trois milliards de dollars de Singapour (1,87 milliard d'euros).

En Australie, le mouvement de baisse a touché principalement le secteur de l'énergie : Santos, Origin Energy et Karoon Gas ont perdu entre 9% et 11% de leur valeur sur la journée.

"CRISE DE CONFIANCE"

"Il y a une crise de confiance et les investisseurs continuent de réduire leur exposition aux valeurs de matières premières", résume Benjamin Chang, directeur général du fonds LBN Advisers, qui gère environ 600 millions de dollars d'actifs.

Glencore et Noble Group souffrent aussi sur le marché du crédit, où les cours de leurs "credit default swaps" (CDS), des instruments de protection contre un risque de défaut d'une société sur sa dette, sont orientés à la hausse.

Le dépôt de bilan de Daiichi Chuo Kisen Kaisha a, lui, eu des répercussions sur les concurrents de l'armateur, le secteur contribuant au repli de 4,05% de la Bourse de Tokyo.

Daiichi Chuo, qui a enchaîné quatre exercices consécutifs dans le rouge en raison de la baisse de la demande chinoise de minerai de fer et de charbon, affichait environ 108 milliards de yens (802 millions d'euros) de dettes fin mars alors que sa valeur boursière ne dépasse pas 11,7 milliards de yens.

Autre conséquence de la crise des marchés de matières premières : la dépréciation des devises de pays dont celles-ci constituent une source primordiale de revenus.

En Malaisie, gros producteur de pétrole et de gaz naturel, le ringgit est ainsi retombé mardi, face au dollar américain, à son plus bas niveau depuis la crise financière asiatique de 1998. En Indonésie, premier exportateur mondial de charbon thermique, la roupie évolue elle aussi au plus bas depuis 17 ans.

Quant au dollar australien, dont l'évolution est étroitement liée aux exportations de minerai de fer, de charbon, de pétrole et de gaz, il a perdu plus d'un quart de sa valeur face au dollar américain depuis juin 2014, date du début de la chute des cours de l'or noir.

(avec Sudip Kar-Gupta à Londres, Gus Trompiz et Julien Ponthus à Paris et Jacob Gronholt-Pedersen à Singapour, Marc Angrand pour le service français)

par Henning Gloystein et Denny Thomas