La dynamique est encourageante, même si l'on s'étonne toujours un peu des chiffres communiqués par le management : profit d'exploitation qui ne retraite ni les coûts de restructuration ni les gains ou pertes sur cessions d'actifs ; mise en avant d'un résultat net qui ne retranche pas la part des minoritaires ; profit officiellement ajusté dérivé d'un profit lui-même officieusement ajusté ; etc.

Passons sur cette curiosité. A l'instar des autres constructeurs allemands, Daimler Truck a pris l'habitude de reporter ses résultats de deux manières : d'abord avec un résultat net qui inclut la part liée aux lucratives activités de crédit ; ensuite avec un free cash-flow "industriel", c'est-à-dire un profit cash issu des activités manufacturières — mais qui exclut du même coup la forte exigence du besoin en fonds de roulement en rapport avec les activités de crédit. 

On sera ici contraint de faire avec ces éléments, tant la difficulté à réconcilier les résultats comptables avec les cash-flows et à exclure l'exceptionnel du récurrent reste grande. Ceci sans évoquer la structure de l'endettement, lié pour une partie aux activités manufacturières, pour l'autre aux activités de banque. 

Quitte à prendre le management au mot, l'activité industrielle — manufacturière — génère sur la moyenne des deux dernières années un profit cash de €1.65 milliard. L'activité banque, pour sa part, génère un profit de $300 millions et tourne avec une belle rentabilité des capitaux propres de 15%. 

Plaçons au gros doigt mouillé un multiple de x12 sur les profits des activités manufacturières, et un multiple de x20 sur les activités de crédit : on obtient — demi-surprise — une somme des parties exactement égale à la capitalisation boursière actuelle de €25 milliards. Ceci, soulignons-le, avec tout l'amateurisme qu'un tel calcul implique — mais que chacun pourra moduler à sa guise.

Au demeurant, l'année 2022 aura été plutôt bonne : Daimler Truck a vendu 520 000 véhicules, contre 455 000 l'an passé ; le profit d'exploitation consolidé de €3.5 milliards atteint un record à cinq ans, en partie notamment grâce à un effet de change euro-dollar très favorable. 

Le grand atout du constructeur est en effet son implantation en Amérique du Nord, où il est l'incontesté numéro un avec 40% de parts de marché et une marge d'exploitation deux fois supérieure à celle qu'il réalise en Europe — où il est aussi numéro un.

L'exposition à l'Asie demeure limitée : voici une source d'inquiétude en moins, qui explique sans doute la prime de valorisation de Daimler Truck sur les autres constructeurs allemands comme BMW, Volkswagen, Mercedes-Benz, ou sur son comparable direct Traton, ex-VW, tous très exposés à la Chine. Bon point pour Daimler Truck ici. 

Nonobstant des multiples de profits en apparence très bas — x4 pour BMW, x5 pour Traton, x6 pour Mercedes-Benz, x9 pour Daimler Truck — ce dernier restera valorisé en premier chef par rapport à son rendement sur dividende, de 4.1% en l'état. 

Dans un contexte de remontée des taux, vu les perspectives de croissance et d'expansion de marge structurellement limitées, il n'est pas certain que celui-ci suffise à compenser le risque. A ce titre, on voit mal le cours percer durablement le plafond des €35, atteint une seule fois seulement quelques semaines à peine après la séparation.