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PARIS (awp/afp) - Emmanuel Faber, patron atypique de Danone, est un critique de la financiarisation de l'économie, ayant renoncé fin avril à la retraite chapeau prévue pour le dirigeant de ce groupe centenaire.

"Nous pensons qu'il n'y aura plus d'économie de marché sans justice sociale, que c'est le seul enjeu légitime de la mondialisation", a-t-il déclaré devant les actionnaires lors de l'assemblée générale du groupe fin avril.

Emmanuel Faber a renoncé ce jour-là à son indemnité de non-concurrence ainsi qu'à sa retraite chapeau de cadre chez Danone, pour ne plus bénéficier que de celle des salariés du groupe.

"Je n'ai pas besoin aujourd'hui dans mes réglages à moi de ce que l'économie de marché attribue à des patrons de grandes entreprises. Mais c'est mon réglage personnel", a-t-il déclaré.

Agé de 55 ans, et devenu PDG de Danone fin 2017, il s'est fait connaître du grand public par son plaidoyer pour la justice sociale devant les diplômés d'HEC en juin 2016.

Il avait longuement décrit le destin de son frère, aujourd'hui décédé, atteint de maladie mentale : "A cause de lui, j'ai découvert l'amitié de SDF, de temps en temps je vais dormir avec eux (...) je suis allé dans des bidonvilles à Dehli, Bombay, Nairobi, Djakarta, Aubervilliers, et à la jungle de Calais", avait-il raconté.

En 2011, Emmanuel Faber a écrit "Chemin de traverse, vivre votre économie autrement", qu'il a qualifié "d'anti-livre de management" dans une interview sur KTOTV, où il a dévoilé avoir été "très habité par Emmanuel Kant", puis par Martin Heidegger.

"Il y a eu une dérive des dogmes et des pratiques de l'économie, très marquée depuis 25 ans, vers la finance. Avec l'idée que le rôle d'une entreprise, son but, c'est de maximiser la valeur qu'elle crée pour ses actionnaires", déclarait-il alors.

Un discours atypique pour le dirigeant d'une des plus grosses entreprises d'agroalimentaire mondiale, mais cohérent avec la foi catholique qui anime cet homme, marié et père de trois enfant, à la mise toujours simple: chemise blanche sans cravate et jean.

Poulain de Franck Riboud

Né en 1964 à Grenoble, ce diplômé d'HEC commence sa carrière comme banquier d'affaires, avant d'entrer en 1997 chez Danone où il devient le fidèle lieutenant du fils du fondateur, Franck Riboud, et gravit peu à peu tous les échelons.

C'est Emmanuel Faber qui mène les négociations avec le père du micro-crédit, Muhammad Yunus, avec lequel il lance en 2006 une entreprise sociale au Bangladesh dont la mission était de renforcer les nutriments dans les yaourts avec l'idée de lutter contre la malnutrition infantile.

En 2014, il est nommé directeur général par Franck Riboud, qui garde la présidence, pour préparer "dans les meilleures conditions" sa succession à la tête de l'entreprise.

Franck Riboud reconnaissait alors qu'"il y avait une grande part d'affect dans ce choix". Mais il assurait aussi au quotidien Le Figaro: "Emmanuel connaît par coeur le groupe et a participé à toutes les grandes décisions stratégiques depuis le début".

Le nouveau PDG a depuis lancé un nouveau mode de gouvernance avec le programme "une personne, une voix, une action", conforme à l'esprit d'Antoine Riboud, père de Franck, qui avait lui mis en oeuvre dans son entreprise un "double projet économique et social" dès les années 70.

D'ici fin mai, "tous nos salariés deviendront actionnaires de Danone. Ils pourront se former aux enjeux environnementaux et de santé qui sous-tendent nos objectifs stratégiques à l'horizon 2030, et seront consultés chaque année sur leur pilotage, nourrissant un dialogue régulier et direct avec son conseil d'administration", a expliqué M. Faber aux actionnaires en leur promettant qu'il allait "confier notre avenir à nos équipes".

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