PARIS (Agefi-Dow Jones)--Déjà en retard de quatre années sur le calendrier initial, la prochaine génération de la gamme d'avions d'affaires de Dassault Aviation (>> Dassault Aviation), le Falcon 5X, risque fort d'arriver sur le marché encore plus tard que prévu, a révélé lundi le groupe d'aéronautique. Lanterne rouge du SBF 120 mardi, le titre Dassault chute de 4,49% à 1.313,75 euros. Le retard est entièrement imputable à son fournisseur Safran (>> Safran). Leader sur le segments des moteurs d'avions de ligne avec le CFM 56 et le Leap, co-développés avec GE via CFM, Safran peine à mettre au point un turboréacteur de taille intermédiaire, capable de propulser un appareil de plus d'une trentaine de tonnes tel que le Falxon 5X.

Lors d'une conférence de presse au salon de l'aviation d'affaires de Las Vegas, le NBAA-BACE, le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, a révélé "de nouvelles inquiétudes" quant au développement du moteur Silvercrest.

"Safran vient de nous informer que les essais en cours avaient révélé des problèmes de performance avec le compresseur haute pression. Nous n'avons pas encore analysé toutes les conséquences de cette nouvelle mais nous savons déjà que l'entrée en service du 5X, qui avait été reportée à 2020 conformément au calendrier de rattrapage de développement du moteur, devra être retardée de nouveau", a déploré le patron de Dassault Aviation. "Il va nous falloir quelques semaines de plus pour mesurer toutes les conséquences de cette très regrettable situation et prendre les mesures adéquates", a-t-il ajouté.

Le biréacteur d'affaires a volé pour la première fois en juillet avec une version équipée de moteurs provisoires. Depuis, il a accumulé une cinquantaine d'heures de vol. Alors que les soucis de développement ont déjà provoqué quatre années de retard, Dassault Aviation pensait être en mesure de commencer les essais de validation et de certification en 2018, une fois que Safran aurait livré des moteurs certifiables et conformes aux spécifications, pour une entrée en service espérée en 2020. Prudent, Dassault avait toutefois prévenu à l'époque qu'il suivait très attentivement les tests de validation du Silvercrest modifié, soulignant que ces tests étaient "cruciaux" pour permettre de respecter l'échéance de 2020.

Les conséquence de ce nouveau glissement de l'horizon de commercialisation du 5X apparaissent "potentiellement plus fortes pour Dassault Aviation que pour Safran", remarque Yan Derocles, analyste aéronautique chez Oddo BHF. Tout simplement parce que le poids de l'aviation d'affaires est relativement limité dans les revenus du motoriste face au marché des moteurs d'avions de ligne - et de leur maintenance. L'action Safran enregistre au même moment un recul nettement plus modéré de 0,88% à 85,89 euros.

Mais pour Dassault Aviation, "ce nouveau décalage impactera clairement sa dynamique commerciale dans un marché déjà atone", redoute Oddo BHF, neutre sur le titre avec un objectif de 1300 euros. Paradoxalement, à court terme l'effet dans les comptes pourrait être favorables "puisque cela amènera la société à réduire ses dépenses de recherche et développement" associée à la montée en puissance du programme 5X.

Pour Safran, l'enjeu de réputation n'est pas négligeable. Textron (>> Textron Inc.) et Dassault Systèmes sont actuellement les seuls clients potentiels de la gamme Silvercrest. Or le groupe américain qui avait d'abord choisi le moteur de Safran pour le Citation Longitude (Cessna) a ensuite opté pour le HTF7700L d'Honeywell (>> Honeywell International). Un dirigeant de Pratt & Whitney avait aussi évoqué en 2016 l'ouverture d'une consultation sur le PW800 pour le Citation Hemisphere. Cessna a finalement conservé le Silvercrest pour l'Hemisphere, un appareil en phase de prises de commandes pré-certification, mais cela montre que le motoriste n'est pas à l'abri d'un revirement.

Dans le cas de Dassault, Oddo BHF juge que la sélection d'un nouveau motoriste serait en elle-même susceptible de perturber encore plus le développement du Falcon 5X. Mais le PDG du constructeur aéronautique ne semble plus exclure cette option. Interrogé sur cette éventualité, Eric Trappier a jugé qu'il était trop tôt à ce stade pour se prononcer. Si la priorité est d'essayer de résoudre le problème avec Safran, "nous gardons ouvertes toutes les options", a-t-il répondu.

-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones ; 01 41 27 47 93; gbayre@agefi.fr ed: ECH

Valeurs citées dans l'article : Dassault Aviation, Textron Inc., Safran, Honeywell International