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PARIS (awp/afp) - Personne n'en voulait, plusieurs pays se l'arrachent désormais: l'avion de combat Rafale, qui a démontré au combat ses capacités, tire profit de la politique étrangère française et du fait de ne pas être américain pour s'imposer sur le plan commercial.

La Grèce vient d'annoncer son intention d'acquérir six avions de chasse français Rafale supplémentaires, portant le total de ses commandes à 24 appareils.

Fin mai, c'était la Croatie qui annonçait avoir choisi le Rafale pour moderniser ses forces armées, avec l'acquisition de 12 exemplaires d'occasion. Et quelques semaines plus tôt, au printemps également, l'Egypte officialisait une nouvelle commande, de 30 Rafale, après 24 appareils en 2015.

Le succès a pourtant été tardif pour cet avion entré en service en 2004. Echecs en Corée du Sud et aux Pays-Bas en 2002, à Singapour en 2005 puis au Maroc, aux Emirats, au Brésil... L'avion de Dassault Aviation, discret à défaut d'être furtif, acquiert une réputation d'appareil invendable.

Des retards de développement en raison de budgets de défense français contraints ont constitué un "véritable casse-tête" et "n'ont pas aidé" à sa promotion internationale, analysait en mai Richard Aboulafia, spécialiste de l'aéronautique pour Teal Group, dans la foulée de l'annonce de la commande égyptienne.

"Il n'avait pas encore servi, il y avait l'image selon laquelle, notamment pour les partenaires européens, le matériel américain était meilleur. Aujourd'hui, on sait qu'il est efficace", expliquait à l'AFP Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut des relations internationales stratégiques (Iris).

Son utilisation au combat à partir de 2007 en Afghanistan, puis en Libye, au Sahel et au Levant, parfois au terme de longs raids conduits depuis la France, a changé la donne, même s'il a fallu attendre 2015 pour qu'il connaisse ses premiers succès à l'export avec l'Egypte, le Qatar (36) puis l'Inde l'année suivante (36).

Face à une politique américaine hésitante lors des printemps arabes et aux sanctions de Washington contre New Delhi après ses essais nucléaires en 1998, ces pays ont voulu diversifier l'origine de leurs fournisseurs, selon les deux chercheurs.

Car ces programmes majeurs d'armements ne peuvent se permettre d'être remis en cause en cas de changement de politique à Washington, comme cela a été le cas pour les chasseurs F-14 vendus à l'Iran avant la révolution islamique de 1979.

"Pas à demander les clés"

Il existe l'alternative Eurofighter, fruit d'une coopération entre Londres, Berlin, Madrid et Rome. Mais il suffit que l'un d'eux s'oppose à une exportation et "cela devient problématique", relevait le chercheur américain auprès de l'AFP.

Pour Jean-Pierre Maulny, "le Rafale est donc devenu une bonne option". D'autant qu'il permet dorénavant de tirer des missiles air-air à longue portée Meteor, dont les capacités sont considérées comme supérieures aux autres missiles de ce type.

Si la Belgique a préféré le F-35 au Rafale en 2018, l'avion américain reste "cher, compliqué et s'avère inadapté à un certain nombre d'Etats", ce qui a créé une "fenêtre de tir pour le Rafale", selon M. Maulny.

Paris joue aussi un rôle primordial. "Il y a eu un alignement des planètes" sous le quinquennat de François Hollande, où le soutien de l'exécutif a été "très efficace" et permis de décrocher les premiers contrats, selon une source proche du dossier.

"Le gouvernement français s'implique bien plus qu'au cours des premières années" du Rafale, relevait Richard Aboulafia, pour qui peu de pays exportateurs offrent des conditions de financement comme celles proposées à l'Egypte.

Le Caire acquiert ses 30 Rafale supplémentaires via un prêt de dix ans, en grande partie garanti par l'Etat français.

Et avec l'Egypte, comme avec la Grèce, "il y a une conjonction d'intérêts géostratégiques" avec Paris, notamment à propos de la politique turque en Méditerranée orientale, selon Jean-Pierre Maulny.

L'année 2021 a déjà été faste pour le Rafale et d'autres commandes pourraient suivre: l'avion français est aussi en compétition en Finlande. Les Emirats arabes unis et l'Indonésie s'y intéressent également.

La Suisse, de son côté, a finalement choisi fin juin le F-35A américain.

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