VILLEPINTE (awp/afp) - Le "jumeau numérique", qui permet de concevoir et tester virtuellement machines et processus de production, suscite un intérêt croissant des industriels, en plein développement exponentiel des technologies numériques dans l'industrie.

Cette technologie consiste à créer une image numérique en trois dimensions d'un produit, d'une machine, d'une ligne de production ou d'une usine complète. Cela permet d'étudier les modifications de paramètres, de simuler différentes actions, ou d'en revoir la configuration.

Le jumeau numérique peut par la suite se nourrir des données recueillies par des capteurs sur les appareils en fonctionnement, et s'adapter en permanence aux évolutions réelles, tout en permettant de nouveaux essais.

"Le virtuel est la réalité", résume d'une formule Vincent Jauneau, vice-président de Siemens France, interrogé par l'AFP lors du salon Global Industrie près de Paris.

Ces technologies - le jumeau numérique, mais aussi l'internet des objets ou les logiciels de production- "aujourd'hui sont matures" et "il y a une vraie dynamique qui se met en oeuvre pour qu'on passe sur un déploiement massif", assure-t-il.

Pour ses promoteurs, le jumeau numérique recèle un grand avantage: il permet de tester une nouvelle machine, un nouveau régime de production sans avoir à réaliser de prototype réel ou de montage physique, en fonction des besoins du client. Il ne reste ensuite qu'à réaliser l'assemblage de la machine déjà validée.

Un gain de temps sur les délais de livraison et de compétitivité, selon M. Jauneau.

- projet fédérateur -

"Une très grande force du jumeau numérique, c'est qu'on est en capacité de pouvoir montrer au client sa future machine (...) avec tout ce qu'il a demandé", confirme Sylvie Guinard, PDG du groupe de machines d'emballage Thimonnier, lors d'une table ronde au salon Global Industrie. En outre, le jumeau numérique "crée un projet d'entreprise fédérateur", ajoute-t-elle.

"Toutes les industries auront leur modèle virtuel, synchronisé avec le réel", affirme à l'AFP François Bichet, chef stratégiste de la technologie chez Dassault Systèmes, en citant comme exemple l'aéronautique: aujourd'hui "tous les avions du monde sont faits en numérique".

Dans un environnement "ultra-compétitif, il faut tester énormément de solutions", ce que permet le jumeau numérique, explique-t-il.

Une autre application importante est la formation des opérateurs qui commencent à apprendre sur le jumeau numérique, sans attendre l'arrivée d'une nouvelle machine.

L'enjeu du jumeau numérique est triple: apporter "plus de fiabilité, plus d'efficacité et plus de services", estime Raphaël Contamin, directeur BIM Factory chez Engie Maxima, lors d'une table ronde au salon Global Industrie.

Mais une fois le jumeau numérique implanté, il reste un "chantier majeur", celui de "l'appropriation par les équipes sur le terrain en charge de l'exploitation et de la maintenance", souligne-t-il.

Pour Jean-Yves Delaunay, responsable du programme Usine du Futur au sein du groupe automobile PSA, le jumeau numérique est "un investissement au départ pour améliorer la performance à l'arrivée", et il faut savoir "s'arrêter au juste nécessaire pour comprendre ce qui ne va pas et qu'on doit améliorer".

Dans le cadre de son projet Sochaux 2022, PSA va "modéliser complètement" la nouvelle ligne d'emboutissage prévue sur ce site industriel historique du Doubs, a-t-il indiqué.

Le numérique commence à s'implanter aussi largement dans les PME, à l'image de l'entreprise alsacienne de matériels d'éclairage Velum, distinguée parmi les Vitrines de l'industrie du futur.

Velum a numérisé tous ses outils de production pour "savoir à chaque instant" à quelle étape se situe la fabrication d'un luminaire en fonction des commandes. "Une vraie valeur ajoutée", selon Frédéric Toussaint, chargé d'affaires.

Pour convaincre les PME d'adopter maintenant le jumeau numérique, le syndicat du secteur électrique Gimelec a créé un label technologique dans la cadre du Pass Industrie du Futur avec l'aide des régions.

Dans les PME, "il y a une marche à l'entrée, le management" qui doit soutenir, note François Bichet de Dassault Systèmes. Chez Siemens, Vincent Jauneau exprime un avis voisin: il faut "trouver au sein de l'entreprise le chef de projet. Une fois qu'on l'a, ça part super vite".

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