(Corrige l'âge de Lubitz après rectification du parquet de Marseille)

* Un attentat terroriste est exclu

* Le jeune copilote s'est enfermé dans le cockpit

* Il a actionné volontairement la descente

* Le pilote a tenté en vain de retourner dans le cockpit

* Une enquête ouverte sur l'environnement du copilote

MARSEILLE, 26 mars (Reuters) - Le copilote de l'Airbus A320 qui s'est écrasé mardi dans les Alpes françaises avec 150 personnes à bord s'est enfermé dans le cockpit en l'absence du commandant de bord et a délibérément provoqué le crash de l'appareil contre un massif, a dit jeudi le procureur de Marseille, qui exclut une action terroriste.

"Aucun élément ne milite en faveur d'un attentat terroriste", a dit Brice Robin lors d'une conférence de presse.

Les enquêteurs français et allemands ont engagé des investigations sur l'environnement personnel et familial de ce ressortissant allemand, Andreas Lubitz, 27 ans, décrit comme un "gars normal" par ses connaissances.

Lufthansa, maison-mère de la compagnie Germanwings, a dit ne pas avoir d'information sur ce qui a pu motiver son geste ou d'élément indiquant une fragilité psychologique.

Le fichier de la boîte noire retrouvée mardi sur le site du crash -- l'enregistreur des conversations dans le cockpit (CVR) -- a révélé aux enquêteurs les 30 dernières minutes du vol 4U9525 de la Germanwings reliant Barcelone à Düsseldorf.

Après 20 minutes normales, le commandant de bord quitte le cockpit, sans doute pour "satisfaire un besoin naturel", le copilote s'enferme dans la cabine et déclenche, en pleine conscience, la descente de l'avion pendant quelque 10 minutes.

"L'interprétation à ce jour (...) la plus plausible et la plus vraisemblable est que le copilote, par une abstention volontaire, a refusé d'ouvrir la porte de la cabine de pilotage au commandant de bord", a rapporté Brice Robin.

L'homme a ensuite "actionné le bouton commandant la perte d'altitude pour une raison qu'aujourd'hui nous ignorons totalement mais qui peut s'analyser comme une volonté de détruire cet avion", a indiqué Brice Robin.

UNE ACTION VOLONTAIRE

Lors des vingt premières minutes de l'enregistrement, les échanges dans le cockpit entre le pilote et le copilote sont "courtois, un peu enjoués", mais lorsque le commandant de bord entame le briefing réglementaire en vue de l'atterrissage à Düsseldorf, les réponses du copilote deviennent "laconiques", "brèves", a indiqué le procureur.

"On entend alors le commandant de bord demander au copilote de prendre les commandes et on entend à la fois le bruit d'un siège qui recule et d'une porte qui se ferme", ce qui laisse supposer que le commandant de bord se rendait aux toilettes.

A cet instant, on entend le jeune copilote, qui avait été engagé il y a quelques mois par la compagnie low-cost de la Lufthansa et n'avait qu'une centaine d'heures de vol à son actif, manipuler "les boutons du 'flight monitoring system' pour actionner la descente de l'appareil".

"L'action sur ce sélectionneur d'altitude ne peut être que volontaire", a souligné Brice Robin.

Durant toute la durée de cette descente volontaire, la respiration du copilote est audible et normale, ce qui signifie qu'il était vivant jusqu'à l'impact.

Dans cette intervalle, on entend le commandant de bord appeler à plusieurs reprises pour avoir accès à la cabine de pilotage dont la porte blindée se bloque automatiquement sur ces appareils, aux termes des normes de sécurité mises en oeuvre depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

Le pilote tape à la porte en vain, les interventions des contrôleurs aériens français, qui ont repéré l'anomalie, restent sans réponse.

LES FAMILLES SUR LES LIEUX DU CRASH

Les alarmes se déclenchent alors pour alerter l'équipage sur la nécessité de redresser l'appareil. Aucun message de détresse n'a jamais été émis et le copilote est resté muet tout au long de la descente, a confirmé Brice Robin.

Dans les derniers instants du vol, des coups violents retentissent sur la porte du cockpit, ce qui laisse à penser que le commandant de bord tentait d'enfoncer la porte. Puis survient le bruit d'un choc sur un talus, avant l'impact, à plus de 700 km/h contre la montagne.

Selon le procureur de Marseille, les passagers ne se sont rendus compte de leur sort qu'à la dernière minute, juste avant l'impact. Des cris sont audibles dans les dernières secondes du CVR. La mort a été instantanée.

Prié de dire si le jeune copilote avait l'intention de se suicider, le procureur a répondu, sans démentir : "Je n'appelle pas ça forcément un suicide quand on a la responsabilité d'une centaine de personnes derrière".

Brice Robin, qui avait ouvert mardi une information judiciaire pour homicide involontaire, a annoncé lors de sa conférence de presse qu'il allait requalifier les faits.

La police allemande a mené des perquisitions au domicile d'Andreas Lubitz et dans d'autres lieux à et près de Düsseldorf.

Les familles des victimes, principalement de nationalités allemande et espagnole, sont arrivées jeudi en France en provenance de Düsseldorf et Barcelone.

Informées des circonstances du drame par le procureur de Marseille, elles se sont rendues dans l'après-midi sur les lieux du crash, à Seyne-les-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), et d'autres familles devraient arriver vendredi en France.

Les procédures d'identification des corps, qui nécessite des prélèvements d'ADN sur les familles, ont débuté jeudi et devraient, selon les enquêteurs, se poursuivre la semaine prochaine, voire la semaine suivante.

Les enquêteurs étaient toujours jeudi à la recherche de la deuxième boîte noire, qui enregistre les paramètres du vol. (Sophie Louet et Service France, avec François Revilla à Marseille, Jean-François Rosnoblet à Seyne-les-Alpes, édité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : AIRBUS GROUP, Deutsche Lufthansa AG