* Des milliards d'euros de prêts liés au franc suisse

* Les collectivités locales s'interrogent dans l'urgence

* Les taux d'intérêt doublent ou triplent-élu local

par Leigh Thomas

PARIS, 16 janvier (Reuters) - Le gouvernement français a annoncé vendredi à Reuters qu'il examinerait l'impact du bond du franc suisse sur les collectivités locales ayant contracté des prêts liés à cette devise, pour voir comment le fonds de soutien dédié peut continuer à mener sa mission.

Avec l'envolée du franc depuis l'abandon jeudi par la banque centrale suisse du cours plancher de 1,20 franc pour un euro, de nombreuses collectivités, notamment des municipalités, voient bondir le coût de ces prêts souvent qualifiés de "toxiques".

"Conscient de l'impact significatif de ces évolutions sur les finances locales dès les prochaines semaines, le gouvernement a décidé de faire le point sur les conditions d'accompagnement des collectivités par le fonds de soutien", a déclaré à Reuters le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, dans un courrier électronique.

"Cette analyse permettra de mesurer pleinement les conditions nécessaires pour que le fonds de soutien puisse continuer à remplir les objectifs qui lui ont été fixés, à savoir permettre aux organismes concernés de sortir de leurs emprunts sensibles à des conditions financières acceptables et supportables", a-t-il ajouté.

Doté de 1,5 milliard d'euros sur 15 ans, ce fonds de soutien est cofinancé par l'Etat et les banques à travers la taxe "systémique".

Les prêts structurés de ce type ont été contractés jusqu'aux années 2008-2009 et l'explosion de la crise financière mondiale. Leur taux d'intérêt était généralement faible les premières années et variable par la suite.

PRÈS DE 5 MILLIARDS D'EUROS DE PRÊTS

Près de 5 milliards d'euros d'emprunts liés au franc suisse contractés par des collectivités locales françaises restent à rembourser, selon Christophe Greffet, vice-président du conseil général de l'Ain et président de l'Association des acteurs publics contre les emprunts toxiques.

"La chute de l'euro par rapport au franc suisse amène aujourd'hui à une explosion des taux d'intérêt", a-t-il dit à Reuters.

Le franc suisse s'est apprécié de près de 30% face à l'euro jeudi après la décision de la Banque nationale suisse.

"On a des taux d'intérêt qui doublent et dans certains cas triplent. C'est des sommes considérables pour les collectivités", a-t-il ajouté.

La hausse des taux de ces prêts intervient de plus au moment où les collectivités font face à la baisse de dotations de l'Etat décidée pour redresser les comptes publics.

"Le fonds n'était déjà pas jugé suffisant avant que ne surviennent les problèmes liés au franc suisse, il s'avère l'être encore plus aujourd'hui", explique à Reuters Christophe Parisot, responsable des finances publiques de l'agence de notation Fitch Ratings.

Les collectivités qui souhaitent faire appel au fonds ont jusqu'à mars pour déposer une demande. Elles doivent cependant abandonner en échange la possibilité d'attaquer en justice la Société de financement local (Sfil), qui a repris les prêts consentis par Dexia après le sauvetage public de la banque franco-belge.

Des prêts structurés ont été contractés dans d'autres pays européens avant la crise financière. Mais, en France, les banques les ont distribués à "une échelle industrielle", déclare Christophe Greffet.

Selon Michel Klopfer, consultant spécialisé dans les finances des municipalités, de nombreuses communes se demandent désormais si elles doivent faire appel au fonds de soutien ou attaquer les établissements de crédit en justice.

"L'augmentation considérable du franc suisse pose un vrai problème", explique-t-il à Reuters. "Il y a eu beaucoup de coups de téléphone depuis hier." (Jean-Baptiste Vey pour le service français, édité par Yves Clarisse)